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Iturbide. » Ne possédant aujourd’hui encore ni restaurant, ni chauffage, les voyageurs y viennent pourtant volontiers, attirés par le pittoresque de l’endroit, la beauté du patio et l’originalité de ses sculptures. Nul confort, et la domesticité fait complètement défaut. Les muchacho, jeunes Indiens, arrivent le matin pour balayer les chambres et, leur besogne finie, disparaissent au plus vite. Le soir, apparaissent les serenos, braves veilleurs de nuit, munis de lanternes et de longues hallebardes, tout comme dans un opéra-comique, qui font infatigablement leur ronde nocturne à travers les longs corridors et les nombreuses cours jusqu’aux premières lueurs de l’aurore.

La direction de l’établissement est tout entière entre les mains d’un seul vieillard, à peu près momifié. Depuis plus d’un demi-siècle, il encaisse, comme un automate, le montant très approximatif des frais d’hôtel. Il ne se donne pas même la peine, apparemment superflue, d’écrire les comptes. Quant au patron de cette maison hospitalière, il n’en a jamais franchi le seuil ; il vit, loin des privations de la si originale fonda Iturbide, dans l’opulence de Paris.

Presque en face, de l’autre côté de la Via San Francisco, s’élève un ancien bâtiment, peut-être le plus joli de la ville. Tout orné de faïences rares, on pourrait l’appeler la maison de porcelaine. Cette demeure seigneuriale est aujourd’hui le siège du Jockey-Club. Sa belle cour, avec sa fontaine jaillissante et son escalier d’honneur aux rampes de fer forgé, nous donne le meilleur spécimen du goût de cette époque et de la magnificence des descendans des colonisateurs. Cela nous prouve une fois de plus combien ils restaient en contact avec les meilleurs artistes de la patrie et que ni leur art, ni leur culture ne dégénéraient dans les colonies lointaines.

Le club est le centre de la jeunesse distinguée ; comme tous les établissemens de ce genre, il procure à ses membres bien des privilèges, dont le premier est la satisfaction de lui appartenir. À ce point de vue, l’humanité est bien identique dans toutes les parties du monde ; chez les peuples civilisés comme chez les sauvages, le plaisir est également grand et l’orgueil également satisfait lorsque, par des qualités réelles ou imaginaires, on peut s’élever au-dessus d’autrui. Il est à regretter que les règlemens moraux de ces clubs soient aussi étroits qu’élastiques.