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cependant, après plus d’un siècle, l’essor de notre Guyane ! Cela s’explique sans peine.

L’agriculture ou le commerce, l’administration elle-même ne sont pas aux colonies ce qu’ils sont en Europe. Un colon expérimenté est un homme habile en son métier, habitué de plus au pays qu’il met en valeur, dont il connaît les ressources spéciales, les dangers et, le plus souvent, la langue. Toutes ces connaissances particulières ont demandé de nombreuses années d’un apprentissage ordinairement pénible. La mort de ce colon représentera donc une grosse perte, non seulement à cause de la valeur intrinsèque du disparu, mais par suite de la difficulté de son prompt remplacement. Le dommage subi deviendrait désastreux, si un certain nombre de colons expérimentés mouraient à la fois. Leur place, si difficile à remplir en temps ordinaire, courrait d’autant plus de risques d’être laissée vacante que la réputation de leur colonie subirait des atteintes plus fâcheuses. Il est juste de le dire, notre administration coloniale s’est intéressée comme celle des autres peuples à la santé des Européens, colons ou fonctionnaires. Elle a multiplié, surtout dans ces dernières années, non seulement les hôpitaux mais aussi les laboratoires. Des casernes, des maisons confortables se sont élevées un peu partout par ses soins, pour abriter nos soldats ou nos fonctionnaires. De grands travaux ont été entrepris pour doter d’eaux potables nos villes coloniales, pour les débarrasser de leurs matières usées. On a été plus loin dans cette voie féconde. Le général Galliéni créa le premier on 1896 un service d’assistance médicale indigène à Madagascar, MM. Beau en Indo-Chine, Roume et Merlin sur la côte d’Afrique, suivirent cet exemple. Le général Lyautey, à peine nommé résident général au Maroc, fit de même à son tour.

Ces services d’assistance médicale indigène constituent un des plus puissans moyens que nous ayons d’apprivoiser nos indigènes et d’étendre notre influence politique. Ils servent aussi nos intérêts économiques en contribuant à augmenter le nombre de nos sujets. L’intérêt sanitaire de nos compatriotes fixés aux colonies y trouve également son compte ; toutes les races ne sont-elles pas solidaires devant la maladie, et l’un des moyens les plus efficaces de protéger les nôtres n’est-il visiblement pas d’améliorer la santé des masses indigènes au milieu desquelles ils vivent ?