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nouvelle catastrophe, s’ajoutant aux catastrophes récentes, la France tombât entre les mains de la bande de Delescluze !

La rapidité avec laquelle les membres de la Gauche ont pris leur parti du coup de main auquel ils s’étaient opposés, la décision avec laquelle ils l’ont escamoté, a permis de croire qu’ils n’y avaient pas été étrangers. Si la Révolution ne consistait que dans l’envahissement de la Chambre et la dispersion du Corps législatif, ils n’en seraient en effet pas coupables : il ne resterait qu’à peser la valeur de cette excuse, déjà énoncée par Louis-Philippe : « Nous avons fait mal dans la crainte qu’on ne fit pire. » Mais, en réalité, l’envahissement et la dispersion de la Chambre, qui a été la forme accidentelle de la Révolution, n’en était pas la forme nécessaire. De quelque manière que le gouvernement impérial eût été renversé, il y aurait eu révolution, une révolution n’étant que le déplacement du pouvoir opéré d’une manière inconstitutionnelle. N’est-il pas évident que la Gauche et le Centre gauche du Corps législatif et non pas seulement les membres du gouvernement de l’Hôtel de Ville, ont été les premiers auteurs de cette révolution ? Depuis le commencement de nos revers, ont-ils conçu une pensée, prononcé une parole qui ne tendît ouvertement et directement à la ruine du régime impérial ? Qui oserait le nier ? Oubliant la décence, le devoir, l’honneur, l’intérêt national, tout entiers à la joie de saisir une vengeance trop longtemps ajournée, ont-ils cessé un instant, avec une suite, une intelligence, une perversité damnables, de préparer la subversion, ne prenant pas même la peine de cacher qu’ils espéraient la voir naître de l’immensité même de nos revers ? Ne se sont-ils pas appliqués à susciter, enflammer, encourager les passions révolutionnaires assoupies ou déconcertées par les récentes satisfactions libérales ? Ne se sont-ils pas attachés aux flancs des ministres comme des taons, pour les tourmenter, les affoler ? N’ont-ils point, par leurs excitations, déterminé l’ordre stratégique lamentable qui, le 23 août, jeta Mac Mahon du Chêne-Populeux dans le gouffre de Sedan ? Qui osera le nier ? Si, au dernier moment, ils préférèrent que la déchéance fût décrétée par la Chambre et non opérée par l’émeute, c’est qu’ils ne savaient où l’émeute les conduirait, si elle ne passerait point par-dessus leur tête et si la poussée démagogique ne les fracasserait pas avec la Régence et le Corps législatif, et ne les asservirait pas, eux aussi, à la bande de