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précédente de sir Edward Grey et de M. Gaston Doumergue, communiquée à la presse russe et à la presse anglaise à l’occasion de la visite du Roi et de la Reine d’Angleterre, et ainsi libellée :

« En constatant les résultats de la politique poursuivie par les deux gouvernemens avec le gouvernement impérial russe, sir Edward Grey et M. Gaston Doumergue sont tombés d’accord sur la nécessité pour les trois Puissances de continuer leurs constans efforts en vue du maintien de l’équilibre et de la paix. »

Et hier encore un diplomate très avisé faisait paraître, dans le Berliner Lokal Anzeiger, les considérations suivantes :

« Le seul moyen d’empêcher la guerre est de la rendre complètement impossible. On n’attaque que des Etats faibles. Assurément nous ne doutons pas des dispositions pacifiques du gouvernement allemand, mais nous redoutons les circonstances qui pourraient l’obliger à abandonner ces dispositions pacifiques. Ajoutez à cela que les gouvernemens de la Triple Entente ne sauraient avoir dans le peuple allemand la même confiance que dans le gouvernement. Le chauvinisme a fait des progrès incontestables dans la population allemande. De nombreux journaux propagent la fatale doctrine de l’abaissement du prestige allemand et réclament des actes. Je suis convaincu qu’il existe dans le peuple allemand un chauvinisme latent qui est beaucoup plus dangereux que le chauvinisme de l’Angleterre, de la Russie ou de la France. Le chauvinisme allemand recrute ses partisans dans les classes les plus élevées de la nation : la noblesse, le clergé, l’armée, la marine, les professeurs d’université, les professeurs de lycée, les étudians et toute la jeunesse des écoles. Enfin, nous assistons en Allemagne à une évolution que les Etats de l’Europe occidentale ont déjà traversée, mais qui n’est pas encore achevée dans ceux de l’Europe orientale. On y prend d’assaut les institutions anciennes et les croyances de l’Etat et de la société. Les classes et les : milieux qui se sentent menacés résistent avec une énergie indomptable. Cette lutte n’est point faite pour atténuer les sentimens du nationalisme allemand qui pourrait chercher une diversion à son activité. »

Et l’auteur de l’article ajoutait : « Nul ne prévoyait en Allemagne le relèvement de la France tel qu’il s’est produit. Nul ne supposait qu’après des siècles d’antagonisme, l’Angleterre enterrerait la hache de discorde et se réconcilierait avec son