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non seulement des nombreux ouvrages et mémoires laissés par notre auteur, mais aussi de deux gros volumes intitulés Life and letters of G. J. Holyoake que M. J. Mac Cabe a récemment publiés sous les auspices de la Bationalist Press Association ; et, l’occasion paraissant favorable, nous en profiterons pour rappeler brièvement l’histoire de la coopération en Angleterre, ses humbles origines et ses merveilleux progrès, et pour examiner enfin son état actuel, ses caractères et ses limites.


I

George Jacob Holyoake naquit le 13 avril 1817, à Birmingham, d’un ménage de modestes ouvriers dont il fut le deuxième enfant, — le deuxième sur treize. — On sait ce qu’était l’état industriel et social de l’Angleterre à l’époque de la réaction qui suivit les guerres napoléoniennes : c’est le temps où, très rapidement, la population se multiplie, l’industrie s’enrichit, les salaires s’abaissent et la misère s’étend. Le machinisme, après avoir fait la ruine des petits métiers, fait celle des ouvriers eux-mêmes, réduits à la condition de ce qu’on a appelé l’esclavage blanc. Les tisserands du Lancashire reçoivent six à huit pence pour douze à quinze heures de travail ; la paie descend jusqu’« à un penny pour les enfans qui, malgré les récentes lois protectrices du travail, encombrent les ateliers dès l’âge de six ou huit ans : la « loi des pauvres, » qui date d’Elisabeth, de la « bonne reine Bess, » favorise ce « massacre des innocens. » Hors l’usine, l’ouvrier ne connaît que la débauche, l’agitation et l’émeute ; les Luddites brisent les machines, les radicaux sous Cobbett soulèvent le pays ; l’habeas corpus est suspendu, les prisons s’emplissent, on déporte et on pend par masses. Le jeune Holyoako, avant ses dix ans, vit brûler des usines à Bury ; il vit condamner à la relégation un jeune ouvrier coupable d’avoir volé une lime qui valait bien quinze sous. Les Forges de l’Aigle, à Birmingham, où son père, ouvrier respecté, travailla durant quarante ans, n’étaient d’ailleurs pas au nombre des pires établissemens. ; Lui-même y entra dès neuf ans et y passa treize années de sa vie ; il devint comme son père un travailleur adroit, épris de son métier ; écrivant plus d’un demi-siècle après, en 1892, il décrit avec une précision frappante l’aspect de la triste cour d’usine telle qu’il la vit de sa fenêtre pendant ces treize ans, « à