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archiduc héritier, Charles-François-Joseph. Il a épousé une princesse de Bourbon-Parme, petite-fille par sa grand’mère de nos anciens rois, petite-nièce du Comte de Chambord, et de ce mariage sont nés déjà plusieurs enfans. Dans ces conditions nouvelles, l’ordre successoral est assuré en Autriche-Hongrie aussi sûrement qu’il peut l’être, et quelques-uns des nuages qui obscurcissaient l’avenir sont dissipés. Le nouvel archiduc héritier est jeune, il n’a que vingt-sept ans ; il n’a jamais eu l’occasion de s’occuper de politique, et ses opinions, s’il en a de déjà formées, ne sont pas connues ; mais il est aimé de tous et la popularité naît facilement autour de sa personne. Le meilleur souhait à former pour lui est toutefois qu’il ne monte pas trop tôt sur le trône. Il a encore beaucoup à apprendre. S’il a sur l’infortuné archiduc François-Ferdinand les avantages que nous venons de dire, il a le désavantage de l’inexpérience. François-Ferdinand était en pleine maturité et avait eu le temps de se préparer au rôle qui lui incombait.

Comment l’aurait-il rempli s’il avait vécu, c’est ce qu’il est impossible de dire avec certitude. On lui a prêté toute une politique : était-ce vraiment la sienne et, à supposer qu’elle le fût, y serait-il resté attaché, une fois empereur ? Nul ne le sait. On a vu souvent, et peut-être même faut-il dire le plus souvent, le souverain tromper les prévisions qu’on avait faites sur le prince héritier. Nous ne rechercherons donc pas ce qu’aurait été François-Ferdinand empereur. Cependant il était à un âge où certains traits du caractère et de l’esprit sont déjà nettement accusés, et ceux qui l’ont connu disent de lui qu’il était intelligent, laborieux, consciencieux, digne à tous ces points de vue d’estime et de confiance, mais ils ajoutent que son esprit avait plus de précision que d’étendue et son caractère plus de décision et de force que de souplesse. Il y avait en lui quelque chose d’un peu brusque, qui venait peut-être de la fermeté de ses convictions et de sa loyauté. Il était aussi très profondément religieux et on affirme même qu’il était plus sensible qu’il ne l’aurait fallu à certaines influences ultramontaines. Enfin, à l’intérieur, il avait notoirement peu de sympathie pour la Hongrie et, à l’extérieur, il ne semblait pas en avoir davantage pour l’Italie.

On sait combien la Hongrie rend parfois difficile le fonctionnement de la monarchie dualiste. Le règne de François-Joseph a débuté par un très violent conflit avec elle. Il a fallu longtemps pour que les colères déchaînées de part et d’autre s’atténuassent au point de permettre au fils de Kossuth de devenir ministre de l’Empereur ;