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correspondance de la Reine, il pourra en être de même pour les personnes ; de sa maison. Nous convenons donc que les Bourbons s’appelleront les Bassards ; les d’Orléans, les Métrots ; les Bonaparte, les Nuzillards, et les républicains, les Barillots.

Notre première halte après Rorschach a été à la Weinburg, campagne de la princesse héréditaire de Hohenzollern-Sigma-ringen. L’abord m’en a paru charmant, mais je n’y ai à peu près rien vu et n’y ai fait que des bêtises. La Reine avait dit ! qu’elle ne s’arrêterait qu’un quart d’heure et elle a tenu bon : ; tout ce monde à saluer en si peu de temps m’ahurissait. Cependant, j’ai eu un grand plaisir à revoir ce bon Prince régnant et à lui remettre une lettre pour Fanny ; puis je me suis emballée avec la princesse Caroline, baignée de larmes, mais contente de se trouver seule avec moi. Elle est si bon enfant que la connaissance a été vite faite ; j’ai réussi à la distraire en lui parlant de Sigmaringen et de tout ce que j’y ai vu.

Sa présence dans notre caravane et l’obligation où nous sommes de la conduire à Venise est une des raisons pour lesquelles nous suivons la route nouvelle, par le Tyrol ; mais ce n’est pas là notre seul motif. La route du Simplon ou celle du Saint-Bernard auraient conduit la Reine à Milan. Elle désire en ce moment éviter cette ville, où elle séjourna plusieurs fois, du temps où le prince Eugène était vice-roi, où elle ne saurait passer inaperçue, et où fermente une agitation politique dangereuse pour le prince Louis.

Donc, cette route est plus courte et plus sûre ; mais elle est moins pittoresque, moins belle que les deux autres. Honheim est le lieu le plus curieux qu’elle nous ait fait traverser aujourd’hui. Cette ville est toute juive. Comme c’était samedi, tout le monde était en fête ; la princesse Caroline a beaucoup ri des costumes, des tournures et des figures. Des sauteurs avec des chevaux campaient en face de la Poste ; il parait qu’après eux nous étions les bêtes les plus curieuses, car la foule les a quittés pour tourner autour de nos trois voitures, pendant tout le temps où on a changé les attelages.

Nous sommes arrivés à Feldkirch à cinq heures. J’y ai été assez mal installée dans une grande chambre voisine de celle de la Reine où l’on a fait salon, où l’on a soupe et où, à ma grande contrariété, je n’ai pu être seule pour écrire que lorsque tout le monde a. été couché.