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elle-même les heures que nous avons passées ensemble, durant cette semaine de vie commune. L’instant de nos adieux nous attendrit toutes deux, nous nous promettons de correspondre et de nous garder une fidèle amitié.

A neuf heures du soir, nous reconduisons les voyageuses au bateau à vapeur. Il nous semble qu’elles y seront fort bien ; il y a un salon pour les dames, un autre pour les hommes, et toutes les aisances possibles dans si peu d’espace. La soirée s’achève au spectacle. Le Prince veut que nous restions jusqu’à la fin et que nous prenions des glaces avant de rentrer.

C’est notre dernière nuit de Venise, car les mêmes sujets politiques qui inquiétaient la Reine à Arenenberg lui font désirer de gagner rapidement Florence, Rome, et de s’enfoncer, au plus tôt, jusqu’au cœur de l’Italie.


Bologne, 28 octobre,

Notre route, en partant de Mestre, a été par Padoue, Monselice, Rovigo (où nous avons couché) ; puis le lendemain, par Ferrare, où nous nous arrêtâmes juste le temps de visiter le cachot du Tasse et le palais de la belle Eléonore.

Nous sommes arrivés de bonne heure à Bologne ; le soleil couchant dorait les Apennins et présentait dans tout son éclat la position agréable de cette ville ; elle est adossée à une montagne qui la domine et qui est couverte de palais, de villas, de jardins ; la plus belle verdure l’embellit encore à cette époque de l’année et offre l’aspect le plus riant.

Nous sommes logées au second, dans un appartement dont la Reine n’est pas contente, par la raison qu’elle n’aime pas les étages. En attendant le déballage et le dîner, on a lu les gazettes, tapoté sur un piano et causé de notre chère France. Des agitateurs se remuent à Paris, et je tremble pour ce malheureux hiver.

Nous étions encore à table, quand M. Bacciochi s’est fait annoncer. Il devint le beau-frère de l’Empereur en 1797, par son mariage avec Elisa Bonaparte. Gentilhomme et riche, il pouvait passer alors pour un bon parti, mais il dut s’éclipser ensuite devant sa femme, faite princesse de Piombino en 1805, puis de Lucques, et grande-duchesse de Toscane en 1808 ; elle est morte à Trieste en 1820. De quatre enfans qu’elle a eus, il reste un seul fils et la comtesse Napoleono Camerata, qu’on