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et combatifs. Tâchons de résumer le précis de ses phases et l’intérêt de ses fruits[1].


Philippe, auquel un usage établi continue à joindre le surnom d’Auguste, est celui de tous les chefs d’État français à qui la reconnaissance nationale, pratiquement, doit le plus.

Il hérite, à son avènement, d’un royaume dont le territoire domanial propre se limitait de Bourges à Senlis, s’arrêtait aux portes de Gisors et de Brie-Comte-Robert. Pas même, à la lettre, un port maritime. A Vernon commençait la Seine anglo-normande. Et la baie de Somme était au comte de Ponthieu, dont le comté de Boulogne, jusqu’aux dunes de la Flandre, prolongeait sans intervalle la marge côtière. A la fin de son règne de quarante-trois ans, la terre qu’il détient et occupe directement pour la nation qu’il gouverne s’étale des sources de l’Escaut jusqu’à l’estuaire avantageux de la Charente. C’est lui, en outre, qui a fait entrer l’Armorique dans le sillage capétien. Le souverain de France possède maintenant des rivages de mer et une marine, Picarde, Normande, et bientôt Rocheloise. Il a refoulé dans leur île les rois continentaux d’Angleterre. Il a brisé une agression allemande. Sans un malheureux divorce, qui l’a mis en froid avec Rome, il pouvait atteindre la couronne impériale, objet secret de ses rêves. C’est un chef, qui voit juste, qui profite de toute occasion pour faire mieux et grandir. En toutes circonstances, il prend, il saisit, il annexe. Toute contingence lui est bonne pour accroître son domaine et son bien, domaine et bien de la France. Le sens vrai de son surnom latin d’Auguste, le sens étymologique et foncier accueilli par ses contemporains, c’est celui de Philippe l’Augmenteur. On pourrait dire Philippe le Conquérant. Mais Philippe l’Augmenteur, malgré tout, semble plus expressif, plus savoureux et plus exact.

  1. Chronique de Rigord, La Philippide de Guillaume le Breton, éd. H.-Pr. Delaborde. — Anonyme de Béthune, fragment publié par Léopold Delisle. — Chronique rimée de Philippe Mouskés, éd. de Reiffenberg. — Lebon, Mémoire sur la bataille de Bouvines. — Henri Malo, Renaud de Dammartin. — Petit-Dutaillis, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII. — Bémont, De la condamnation de Jean sans Terre, — Guilhiermoz, Les deux condamnations de Jean sans Terre. — Winkelmann, Philipp von Schwaben und Otto IV von Braunsckweig ; Geschichte Friedrichs des Zweiten. — Hortzschansky, Die Schtacht an der Brüicke von Bouvines.— Ballhausen, Die Schlacht bei Bouvines. — Delpech, La Tactique au XIIIe siècle.