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Voilà un exemple de développement possible de nos institutions. Il y en aurait d’autres, sans doute, telles que la création de cours préparatoires aux études scientifiques de nos écoles centrales ou des instituts de nos facultés de sciences. Mais ce n’est pas ici le moment de préciser un pareil programme dans tous ses détails techniques. Ce que j’ai dit suffit, j’imagine, à donner une idée de la place que nous occupons et que nous pouvons occuper là-bas encore plus grande en Egypte.

Il faudrait, maintenant, que la conviction entrât dans l’esprit des Français de France que, sur les rives du Nil, notre part est belle encore, même après le traité de 1904. En vérité l’Egypte n’est perdue pour nous que dans la mesure où il est vrai que l’action d’un peuple est liée à sa domination politique : idée aujourd’hui trop étroite et que les conditions de la civilisation moderne tendent de jour en jour à dépasser. Autrefois, le rayonnement d’une nation sur le monde était presque nécessairement lié à l’empire matériel qu’elle exerçait sur les autres. En des temps de communications difficiles, l’occupation et la mainmise administratives étaient presque les seuls moyens d’action. Encore même serait-il difficile d’expliquer, à ce compte, comment la petite Grèce put étendre si loin la souveraineté de sa civilisation… Mais il est certain que les forces extra-politiques, qui agirent dans ce cas avec une irrésistible insistance, trouvent dans le monde d’aujourd’hui des voies de pénétration toujours plus sûres. A côté du vieux mode d’influence, c’est ainsi qu’en apparaissent de nouveaux : influence économique, influence financière. Mais nulle ne parait devoir être plus profonde ni plus durable que celle qui est liée à la diffusion de la langue. Nulle n’est de nature à asseoir plus solidement l’empreinte d’un peuple sur un autre parce que, à la suite de la langue, c’est toute la civilisation de ce pays qui passe, avec toutes les conséquences et tous les liens de l’attraction continue qu’elle exerce.

Or, il faut prendre garde que nous sommes à une époque singulièrement propre à ce genre d’action. Non seulement les langues ont aujourd’hui des moyens de diffusion qu’elles n’avaient jamais connus, mais encore, et surtout, il se trouve que certaines sont destinées, de par la force des choses, à jouer un rôle prépondérant. Le monde tout entier aspire à entrer dans le mouvement de la civilisation européenne et à s’assimiler,