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on a constaté, d’indubitable manière, que les étoiles vieilles ont en moyenne des mouvemens propres beaucoup plus considérables que les étoiles jeunes. D’autre part, l’un des deux courans stellaires de Kaptey n’est beaucoup plus riche en étoiles jeunes et très chaudes, en étoiles à hélium, que l’autre courant qui n’en contient à peu près point.

L’interprétation de tous ces faits est à peine ébauchée. Ce n’est point que de nombreuses hypothèses, d’ailleurs irréductibles les unes aux autres, contradictoires et indémontrables, n’aient déjà été faites pour les expliquer. Dans ce domaine, elles naissent avec une rapidité et une vigueur étonnantes, mais nous estimons que ce n’est point encore le moment d’en parler ici. Qu’on enrichisse d’abord le domaine des faits, qu’on refasse les clichés célestes à intervalles plus grands, de façon à ne laisser dans l’ombre aucune des particularités qui relèvent de l’expérience. Il sera temps après de lâcher bride aux fougues de la théorie. Ce sera le plaisir de nos successeurs. Dès maintenant, en tout cas, nous voyons que l’univers stellaire n’est point un chaos ; il y règne une organisation, une discipline à la vérité fort étranges, mais incompréhensibles, et ce sera l’honneur des astronomes de l’avenir, de découvrir le plan de cette majestueuse et interminable mobilisation des étoiles.

Mais si nous ne voulons pas nous plonger aujourd’hui dans la doctrinale cuisine des hypothèses galactiques, si nous n’avons pas le moyen de décider si la Voie lactée est ou non une nébuleuse spirale ou une sorte d’anneau plat, ou une série d’amas globulaires, qui se promènent et s’entre-croisent en tout sens, comme poissons rouges dans un bocal ; en revanche, nous ne saurions passer sous silence des considérations bien curieuses et proprement géniales, par lesquelles Henri Poincaré assimila naguère l’univers stellaire à un petit globe de gaz, et les étoiles à des molécules gazeuses.

C’est à la Sorbonne, dans un des derniers cours qui précédèrent sa mort, que Poincaré développa ces idées marquées à la fois de son originale et puissante imagination et de son amour de la précision mathématique.

On sait que dans la théorie cinétique des gaz, qui est une des conquêtes les mieux établies de la physique, une masse gazeuse est considérée comme formée d’un grand nombre de corpuscules très petits (les molécules) qui s’entre-croisent dans tous les sens. Ces corpuscules agissent à distance les uns sur les autres, mais cette action n’est sensible qu’à des distances extrêmement faibles et s’évanouit