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doctrine plus précise et plus solide ? Le terrible collègue est bien exigeant : « M. Loria, inventeur de tant de choses diverses et contradictoires, passant tour à tour, — sans qu’il y ait de sa faute, — pour ami ou pour adversaire du marxisme… qu’il ne comprend pas et qu’il dénature. » Entre confrères, il parait que l’on n’est pas tenu d’y mettre tant de formes… Certes, que la critique de Spencer et celle de Marx soient démodées, il le parait bien. Que l’art de remettre leurs systèmes debout et d’en combler toutes les lacunes comme d’en réparer toutes les faiblesses soit devenu difficile, il le paraît également. Epigrammes à part, on ne méconnaîtra pas l’immense érudition de M. Loria, la variété de ses aperçus de détail, la subtilité de ses analyses et la générosité de ses intentions ; mais on se demande, d’un bout à l’autre de ses livres, par quelle conclusion ferme l’ancien enthousiasme pour le marxisme, « l’œuvre la plus belle, la plus parfaite, la plus sympathique » que connaisse l’auteur, a finalement conclu cet éloge hyperbolique. Il a abouti, dira-t-on, à répudier le communisme, et c’est quelque chose. Mais, tout en le répudiant, M. Loria s’élève avec énergie contre tous ceux qui font une apologie « même anodine » de la propriété, qui « cherchent à en effacer l’empreinte parasite et inerte, pour lui attribuer violemment une fonction productive et socialement bienfaisante. » A en croire l’auteur, en effet, quiconque n’a pas sa part (laquelle ? et qui se chargera de la faire à chacun ? ) dans le capital total, se voit « contraint de mendier ou de voler et de se plonger dans les abîmes de la misère et de la dégénérescence ; » car actuellement une trop petite partie de la population existante « peut obtenir des vivres d’une façon normale en échange d’un travail honnête. »

Comment cependant ne pas faire observer que, si tant de paysans et d’artisans du royaume sont obligés de quitter le sol natal ou de mendier, la faute n’en est pas tant à l’organisation des rapports naturels entre le travail et le capital : elle est infiniment plus à la surcharge d’impôts qui, pour répondre à une « grande politique, » grèvent des denrées de consommation courante comme le blé, le sel et le sucre ? Pourquoi chercher si loin un mélange confus d’hypothèses et d’utopies quand on a si près.de soi la réalité qui crève les yeux ? Avec beaucoup de ceux qui disent tour à tour être socialistes et ne pas l’être, M. Loria dira que, loin de vouloir anéantir la propriété privée,