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supplient de venir les rejoindre et d’amener leur cousine Zénaïde avec elle. Rome, disent-ils, n’est pas sûre et Florence vaut mieux : Sur cette prière, elle se décide à partir avec une promptitude d’amour maternel qui ne saurait étonner de sa part et qui suffit à motiver nos brusques préparatifs de voyage. Cependant les visiteurs auxquels je fais tête toute l’après-midi paraissent croire sa résolution dictée par d’autres raisons. Ils soupçonnent qu’elle obéit à un ordre du gouvernement pontifical, et trouvent dans les conjonctures du moment beaucoup de preuves à l’appui de leur opinion.

Ils pensent que la présence dans Rome d’une personne aussi connue que la Reine, aussi répandue, aussi propre à servir au ralliement de ses compatriotes, par la tendance spontanée qu’ils ont à se grouper autour d’elle, a pu donner de l’ombrage aux cardinaux. Cette méfiance n’a fait que croitre, ajoutent-ils, depuis que les nouvelles reçues des provinces sont devenues plus mauvaises et que la Révolution, maîtresse des Marches, a fait jusqu’aux portes de la ville de rapides progrès.

Le signal du mouvement est parti de Modène, le 3 février, au moment où rien n’était prêt encore dans les Etats du Pape. Cette explosion prématurée a été provoquée par le duc lui-même, peut-être dans l’espoir de détourner à son profit la marche des événemens. Bologne a suivi presque aussitôt ; puis Ancône, le 8 février ; mais là le mouvement était si mal concerté que les troupes eurent vite fait de disperser la foule et d’appréhender les meneurs. Restée de la sorte au pouvoir du Pape, la ville a été assiégée le surlendemain par une colonne insurrectionnelle formée à Pesaro et commandée par le colonel Armandi ; la reddition en est imminente, le bonhomme de gouverneur ayant perdu la tête et ses soldats ne lui obéissant plus. Pérouse, seule forteresse sur laquelle le Pape aurait pu compter après la chute d’Ancône, s’est donnée à la Révolution. On annonce en même temps que Spolète, Foligno, Urni, la province de l’Ombrie et celle des Trasimène viennent d’arborer le drapeau tricolore et d’accéder à la cause de la liberté.

Ces menaces graves dirigées contre le pouvoir pontifical le placent en quelque sorte dans le cas de légitime défense. D’un autre côté, la Reine est politiquement sans soutien, ou du moins elle n’était couverte que par la candidature de son neveu, le prince Auguste de Leuchtenberg, au trône de Belgique. Dans