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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les journaux anglais nous ont appris qu’après avoir gagné la bataille de la Marne, nous avions gagné celle de l’Aisne, sans en avoir eu l’impression aussi nette pour la seconde que pour la première. Le mot de victoire n’avait pas été prononcé, cette fois, dans les communiqués officiels. Aurait-il dû l’être? Il a fallu un raisonnement pour nous en convaincre. Ce qui caractérise une victoire, c’est le fait d’avoir amené l’ennemi à abandonner le terrain qu’il occupait pour en occuper un autre en deçà, et n’est-ce pas ce qui s’est passé sur l’Aisne ? Nous parlions, il y a quinze jours, de la durée, qui semblait interminable, de la bataille que, Français et Allemands, nous nous livrions sur cette rivière, et il nous semblait que le seul moyen d’en finir était de tourner l’ennemi sur une de ses ailes, ou du moins de l’en menacer d’une manière assez effective pour l’obliger à se retirer. Eh bien ! n’est-ce pas ce qui est arrivé?

Nous n’avons pas tourné l’ennemi parce qu’il nous a suivis front contre front dans notre mouvement, mais il n’a pu le faire qu’en abandonnant la ligne de bataille où il s’était si solidement fortifié et c’est l’objet que nous poursuivions. En fait, il a vidé ses terriers tout le long de l’Aisne; nous l’y avons forcé sous peine de voir son aile droite tournée ou enveloppée ; alors, par une sorte de glissement, les deux armées ont pris des positions nouvelles. Aucune des deux n’a réussi jusqu’à présent à enfoncer l’autre, il faut bien le reconnaître, mais que nous ayons repoussé, refoulé l’armée allemande, comment le nier ? Le but qu’elle visait était Paris et elle y était presque arrivée : il suffit de prendre un compas et de mesurer les distances sur la carte pour constater qu’il y a plus loin de Paris à l’Escaut et à la Lys que de Paris à l’Aisne. Sur l’Aisne, qui retentissait, il y a quelques jours, de coups de canon, un silence relatif s’est fait; les troupes qui y restent en présence sont dans l’attente ; la vraie bataille n’est plus là, elle est au Nord où elle se poursuit avec fureur sur un