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orientale. Ils ont alors subi un échec qui a été pour eux un enseignement et dont ils n’ont d’ailleurs pas tardé à prendre leur revanche à Augustow. La victoire qu’ils y ont remportée a rétabli leurs affaires de ce côté. En Galicie, ils ont débuté, au contraire, par des succès éclatans et, si leurs succès ont, plus tard, été ralentis par l’arrivée de l’armée allemande accourue au secours de l’Autriche, ils n’ont jamais été interrompus. L’armée allemande a aussitôt visé Varsovie. Il y a eu là, toutes proportions gardées, quelque chose de comparable à ce qui s’est passé chez nous lorsque l’armée allemande a marché sur Paris, sans se préoccuper assez de ce qu’elle laissait derrière elle et à côté d’elle. Alors le général Joffre lui a ménagé sur la Marne une surprise qui l’a arrêtée net et obligée de rebrousser chemin. De même en Pologne. Les Allemands y sont entrés assez profondément sans rencontrer grande résistance et sont arrivés à la porte de Varsovie. Après quelques jours d’attente, qui n’ont pas été pour nous sans anxiété, les Russes ont remporté une nouvelle victoire, non moins importante que celle d’Augustow, et l’armée allemande a battu rapidement en retraite. La joie a été grande à Varsovie, car l’inquiétude y avait été vive : la ville était décidément dégagée, l’ennemi était repoussé, il était en fuite, on respirait plus largement. Rien n’est terminé, il s’en faut même de beaucoup. A l’Est comme à l’Ouest, la guerre sera difficile et longue. Ceux qui ont cru que l’armée russe serait à Berlin au bout de six semaines se sont trompés. Il faut en prendre notre parti ; cette guerre est partout un concours de patience ; le succès final sera au plus patient.

C’est encore ce dont s’est fort bien rendu compte le Times, et il constate que l’armée française, grâce à une adaptation facile et rapide, s’est donné les qualités dont elle avait besoin. « La France, dit-il, a appris de l’Allemagne elle-même ce qui lui manquait, et maintenant elle peut combattre avec la méthode allemande aussi bien que les armées allemandes elles-mêmes. Il lui fallait faire la guerre d’une manière contraire à sa nature et à son génie, et elle l’a faite comme si la patience et non l’ardeur était la qualité principale de son âme... Alors le monde, qui retenait sa respiration, sut que les vieilles nations, la vieille foi, la vieille conscience de l’Europe étaient encore solides et que la science ne les avait pas encore livrées aux nouveaux barbares. Deux fois déjà auparavant dans le cours des siècles, à Poitiers et dans les champs catalauniques, un combat pareil avait eu lieu sur le sol de la France, et maintenant pour la troisième fois c’est la haute et dure destinée de ce pays d’être la nation