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pourtant, non seulement comme un prêtre et un citoyen, mais aussi comme un fonctionnaire de l’État dans l’Église, puisque le soin des âmes a une influence illimitée sur les sentimens du peuple et participe directement ou indirectement aux matières politiques les plus importantes. »

En aucun autre État de l’Europe contemporaine, non pas même en Espagne ou en Russie, l’Eglise ne participe aussi directement, sinon à la politique, du moins à l’administration et à la sûreté de l’État ; en aucun autre, le clergé n’est fonctionnaire à ce point. M. Steed cite deux exemples de cette docile subordination, et l’un et l’autre sont éloquens. Au conclave de 1903, le cardinal Puzyna, archevêque de Cracovie, accepta de prononcer le veto impérial contre le cardinal Rampolla, qui avait encouru le déplaisir de la Triplice, mais dont l’élection semblait désirable à tous les autres princes de l’Eglise : il fut très étonné du scandale que sa démarche causa dans le Sacré Collège et de l’indignation qu’en témoigna celui-là même qui dut à cette démarche de devenir le pape Pie X. En septembre 1912, le Congrès eucharistique se tenait à Vienne. Dans toutes les cérémonies, le Saint-Sacrement fut en bonne place, et dans tous les discours, il fut célébré comme il convenait. Mais les catholiques étrangers furent scandalisés de voir que la première place et les plus grands hommages allaient à la dynastie.

Les droits de l’Eglise et de la Papauté sont allègrement défendus dans l’Empire par les Jésuites ; « la moralité personnelle et la capacité individuelle des Jésuites, bien plus élevées que celles des autres ordres, » leur donnent sur l’éducation de la bourgeoisie et de la noblesse et sur nombre de consciences une influence quasi souveraine. Mais le clergé séculier est d’abord le serviteur de l’État ; il « accomplit des fonctions de police volontaire dans l’intérêt de la monarchie plutôt que des fonctions proprement ecclésiastiques ; le système de Joseph II, qui tendait à transformer le clergé en un service civil, et les énormes revenus dont jouissent encore nombre d’évêques, archevêques et maisons religieuses, ont produit par leur combinaison un type d’ecclésiastique plus porté à s’assurer des emplois lucratifs qu’à remplir une vocation spirituelle. » Le clergé autrichien considère « que son service le plus important est de contrebalancer le travail de désagrégation que tendent à accomplir