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hommes de bonne éducation, de bonnes manières, d’un caractère facile et qui n’ont rien de rigide. Ils ont souvent l’amabilité de montrer au simple citoyen un chemin qui coupe court à travers une loi, une route qui permet de tourner un obstacle en apparence insurmontable. Mais il faut que le simple citoyen reconnaisse, au moins implicitement, leur puissance et leur autorité : il doit, pour ainsi parler, solliciter in forma pauperis la faveur de leur aide sans insister sur ce qu’il peut considérer comme ses droits. »

Délégué du Maître-Souverain, le bureaucrate est dans la monarchie des Habsbourg ce que peut être dans tel ou tel État parlementaire le député, représentant du peuple souverain : l’un et l’autre, disposant à leur guise de tous les pouvoirs, de tous les règlemens, de toutes les prises de l’autorité sur la vie et la fortune des citoyens, dressent le peuple à considérer que, si le règne de la loi est pour les badauds et les mauvais esprits, le règne de la faveur est pour les habiles, pour les bien pensans.

« La lutte des races en Autriche, sur laquelle on a dit et écrit tant de choses, est en grande partie une lutte pour les emplois bureaucratiques. Les Allemands et les Tchèques ont lutté pendant des années pour accroître d’une main et défendre de l’autre leur patrimoine de positions officielles ; ce qu’il y a au fond de la lutte des langues, c’est une lutte pour l’influence bureaucratique ; quand de nouvelles universités sont demandées [par les différentes races et refusées par les autres,] c’est qu’il s’agit de créer de nouvelles machines à tourner des fonctionnaires virtuels qu’il s’agira de hisser ensuite jusqu’à des emplois bureaucratiques. »

La Bureaucratie devient ainsi le meilleur rempart du gouvernement contre les deux forces qui pourraient contrôler ou modérer le règne de la faveur souveraine : la Presse et les Parlemens.

M. Steed a écrit deux chapitres qui font admirablement connaître la presse austro-hongroise, ses relations avec le public et l’organisation de ses bureaux. Deux ou trois phrases suffisent à résumer cette longue étude : « Lorsque la presse, comme dans la monarchie des Habsbourg, est presque entièrement juive, elle prive les Juifs eux-mêmes de l’influence que pourrait exercer sur leur culture une saine critique et écarte de leur chemin les avertissemens qui pourraient les incliner à la