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fait reconnaître par le domestique de M. Bendoni celui des navires qui mettrait le premier a la voile. Tadeo arrivait justement de Florence apportant une lettre du Roi toute débordante de douleur au sujet de la mort de Napoléon, et pleine aussi de recommandations, quant au départ de Louis pour Corfou. Dans une réponse faite au nom de la Reine, censée malade, j’assurai le Roi qu’il n’avait rien à craindre, et que son fils avait déjà pris la mer. Je montrai à Tadeo par la fenêtre un bateau en partance, sur lequel le Prince était soi-disant embarqué. Les larmes du pauvre homme me prouvèrent qu’il était convaincu. Enfin, pour semer la même fausse nouvelle dans Home, j’écrivis à notre ambassadeur que la duchesse de Saint-Leu, malade et seule, restait au pouvoir des Autrichiens et que je recourais à lui pour la faire arriver en lieu sûr.

Armandi, seul dans la confidence, est aussi le seul auquel elle ouvre sa porte. Il lui fait avec un grand détail la chronique des événemens. C’est le 4 février que la Révolution éclatait à Bologne ; l’effroi du cardinal Clarelli y donnait la mesure du désarroi pontifical ; de là, l’insurrection s’étendait à Parme ; Marie-Louise se réfugiait à Plaisance, François IV de Modène à Mantoue, où, pour imiter cette fois Louis. XI traînant La Ballue dans une cage, il se faisait suivre de ses prisonniers. Nous fûmes témoins, huit jours après, de l’affaire de la place Colonna à Rome. Une semaine nouvelle ne s’était pas écoulée que nos princes se rendaient au rassemblement de Terni. Toutes les espérances restaient permises à ce moment, sous le couvert de la garantie de non-intervention donnée le mois d’avant par le général Sébastiani. Les cardinaux le sentaient si bien qu’un d’eux demandait un projet de constitution à notre physicien, M. Verhulst, et que celui-ci soumettait son essai politique à la critique de la reine llortense. Le cardinal Benvenuti lui-même, quoique sa mission première eût été d’organiser la contre-révolution, une fois pris à Osimo et tombé dans les mains d’Ar-mandi, s’offrait comme médiateur et promettait d’avance des concessions au nom de Sa Sainteté.

Une offre pareille ne pouvait que confirmer les espérances du général et l’encourager dans sa lutte contre les difficultés de tous genres dont il était entouré : l’absence d’armes, l’absence d’argent, l’ignorance de ses collègues, l’incohérence de leurs propositions. Avec de très petits moyens, en très peu de temps, il a