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attendrir ; d’autres incriminaient Armandi et criaient à la trahison ; d’autres revenaient à terre à la poursuite d’un passeport et couraient intercéder de nouveau auprès des consuls. Celui d’Angleterre signait largement. Celui de France justifiait par son attitude craintive les reproches adressés de toutes parts à son gouvernement.

Zucchi arriva hier, 28, et s’embarqua tout de suite avec soixante Modénais qui l’avaient accompagné. Toute la soirée, le bâtiment qui le portait resta à se tourmenter sur ses ancres. en attendant le vent favorable. Enfin, ce matin, en ouvrant avec anxiété mes fenêtres, j’ai vu qu’il avait disparu pendant la. nuit. Dieu soit loué ! Voilà donc ces pauvres gens hors de danger !


Samedi-Saint, 2 avril.

Si facile qu’ait été leur victoire, les Autrichiens se présentèrent en triomphateurs, avec des palmes aux shakos. C’est mardi, dans la matinée, qu’ils prirent possession d’Ancône. Les fourriers mirent sens dessus dessous les maisons où ils préparaient des logemens. Ils allaient en user de même avec le palais Leuchtenberg, désigné pour recevoir le général Geppert et l’état-major ; M. et Mme Rendoni, aux abois, ne savaient comment nous défendre contre un colonel en colère, criant qu’il n’y avait pas de princesse qui tint, et qu’il lui fallait tout l’étage, quand, en entendant le nom de la duchesse de Saint-Leu, il changea de manière et s’adoucit tout à coup.

Les péripéties de 1815 l’avaient mis une première fois en présence de la Reine, dans des circonstances qu’il n’avait pu oublier, car elles avaient été pathétiques pour elle autant qu’honorables pour lui. Elle prenait alors le chemin de l’exil et voyageait de Paris à Genève, accompagnée par un autre officier autrichien, nommé M. de Woyna, qui avait mission de la conduire jusqu’au-delà de la frontière. Cette mission était orale ; M. de Woyna ne disposait d’aucune escorte ; il ne put donc empêcher qu’un rassemblement hostile ne se formât autour de l’hôtel où la Reine s’était arrêtée à Dijon et que des gardes royaux très échauffés ne prétendissent la faire prisonnière, elle et ses deux enfans. Un détachement autrichien entra dans la ville à point pour prêter main-forte à M. de Woyna, placer un poste devant l’hôtel et faire reculer des gardes royaux prêts à