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réparer. C’est là que le Prince fut baptisé par le cardinal Fesch ; il avait deux ans et c’était en 1810. Je posai beaucoup de questions sur la chambre de la reine Hortense. Les meubles ravissans suffiraient à la faire reconnaître ; et rien qu’à les voir, je l’aurais devinée, j’en suis sûre, sans qu’on me la nommât. Pie VII, qui occupa l’appartement ensuite, ne les a pas dérangés, sauf que, pour pouvoir dire sa messe, il avait fait installer un petit autel. On avait donné à la Reine le rez-de-chaussée habité depuis par le Duc de Berry et où personne n’a osé se loger depuis qu’il est mort.

Elle a trouvé que le jardin anglais, planté autrefois sous ses yeux, avait singulièrement prospéré et grandi ! Chaque allée lui rappelait une des conversations de l’Empereur. Jamais il n’avait dédaigné les avis de sa fille Hortense, même au temps de sa plus grande gloire, même après cette éclatante paix de Tilsitt, qui avait amené à Fontainebleau une foule de princes courtisans et à Erfurth un parterre de rois. Il aimait ce jardin, il y déjeunait souvent. Pour être de plain-pied avec ces belles allées, il occupait, de préférence aux grandes chambres du premier, le petit appartement où l’on a mis depuis l’une des bibliothèques royales ; et, pour que l’impératrice Joséphine eût des facilités pareilles, il lui avait fait faire dans un angle un escalier tournant.

Dans ces derniers temps, le Duc d’Angoulême habitait, à l’époque des chasses, le rez-de-chaussée de l’Empereur ; le Duc d’Orléans, des pièces contiguës, où la princesse Pauline tenait ses assises autrefois et que plusieurs aventures galantes avaient alors rendues célèbres.


Mardi, 26 avril.

La Reine brûlait de quitter Fontainebleau depuis qu’elle y avait rencontré dans la rue, heureusement sans en être reconnue, un des fils du maréchal Ney. C’est le samedi 23 avril, à midi, que nous partîmes, tous sérieux et graves à la pensée que nous approchions du but. la Reine parcourait en sens inverse le même chemin qu’en 1815, alors que les alliés la faisaient reconduire à la frontière sous la sauvegarde d’un officier. Bannie comme souveraine, elle n’était pas encore persécutée comme mère et Napoléon-Louis ne lui avait pas été arraché ; elle s’éloignait sans rien regretter que ses affections perdues,