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dégager de ce qu’il avait promis. Elle sait ce danger et se hâte d’arriver au Palais-Royal avant d’avoir été reconnue sur les grands chemins. Déjà, la veille, elle a couru ce risque, en croisant la calèche de M. de Calvière, devant un bureau de poste ; elle a dû se rejeter au fond de sa voiture, qui, fort heureusement, se trouvait fermée, pendant tout le temps où l’on changeait les chevaux.

Plus on approche de Paris, et plus des rencontres de ce genre sont à craindre. A Villejuif, le Prince vient auprès de moi et la Reine prend avec elle le triste M. Zappi, tout aux détails affligeans donnés par les journaux sur la position de l’Italie. Groupés de la sorte, nous passerons plus facilement inaperçus.

Nous arrivons à Paris par la barrière d’Italie, et j’en aurais préféré une autre, jalouse que j’étais de montrer d’abord au Prince ce que la capitale a de plus beau. Il trouve que le faubourg n’est pas aussi riche que ceux de Milan et ne donne pas l’idée d’une aussi grande ville. Mais la Reine, comme si elle devinait mon dépit et partageait mon orgueil, détourne ses postillons de cette vilaine rue Mouffetard, et, par le Jardin des Plantes, les dirige vers les grands boulevards. Cette fois, le Prince admire, il s’anime ; bientôt il est hors de lui et se tient sans cesse debout pour mieux voir.

Il est six heures du soir quand nous arrivons à l’hôtel de Hollande, rue de la Paix, n° 16. L’entrée en est un peu sombre, mais l’appartement que nous occupons au premier est fait à souhait pour nous. Une antichambre, une salle à manger, un petit salon nous réuniront les uns aux autres, ainsi qu’un grand balcon d’où la vue s’étend, sur la colonne, la place Vendôme et jusqu’au boulevard. La Reine, dans sa chambre, aura sur le carré Mme Cailleau, qui occupe à côté d’elle un petit cabinet. Le Prince a sa sortie particulière, qui le rend indépendant de nous ; et l’on me donne pour moi seule un salon et une chambre, dont je me délecterai.

Nos arrangemens faits et le diner fini, la Reine se décide à s’habiller pour aller tout de suite au Palais-Royal. Elle craint que, demain peut-être, ses nerfs étant détendus, elle ne tombe dans la faiblesse et le découragement. Charles l’accompagne ; elle le fait asseoir à côté d’elle pour lui donner chemin faisant ses instructions. Le Prince, resté seul, retransçrit sa lettre à Louis-Philippe, puis sort à pied avec M. Zappi ; ils reviennent