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Comment lui apparurent alors les rapports franco-anglais ?

« Gambetta avait commencé à accueillir l’idée qu’il était dans l’intérêt de la France, parmi les problèmes intérieurs qui l’agitaient, de cultiver l’amitié de l’Angleterre et de se concilier l’opinion publique anglaise en montrant que la nouvelle forme républicaine de gouvernement ressemblait à celle de l’île voisine pour les garanties qu’elle offrait au libre jeu des forces populaires et la manière dont elle subordonnait l’administration à la volonté de la majorité électorale. En 1877, allait se poser la question du renouvellement du traité de commerce anglo-français de 1860, dénoncé par la France pour l’année 1878, et c’était là, semblait-il à Gambetta, une occasion dont il y aurait peut-être lieu de tirer parti. En tout cas, il valait la peine qu’on s’appliquât à éviter les mauvais sentimens entre les deux pays si les négociations échouaient. »

Mais la période des difficultés allait s’ouvrir avec les affaires d’Egypte qui, pendant vingt ans, devaient envenimer les relations franco-anglaises et aboutir à l’incident de Fashoda. Tout au long de cette crise, à travers d’autres incidens non moins défavorables à la cause que défendait M. Barclay, — la guerre anglo-boer, la visite du président Kruger à Paris, l’affaire Dreyfus, — cet ami de la France ne perdait pas de vue son idéal et ne désespérait pas un seul instant de le réaliser, ou, pour mieux dire, en homme pratique, il ne cessait pas un seul instant de travailler à sa réalisation.

Idéaliste et pratique, tel est, en effet, le caractère écossais, qui se manifeste si nettement dans les conceptions et la conduite de Sir Thomas Barclay. Un rapprochement entre la France et l’Angleterre dans l’intérêt des deux pays et en faveur de la paix : voilà l’idée qui ira se fortifiant et se précisant dans son esprit. Déjà il se règle d’après les vues qu’il a formulées plus tard :

« L’Angleterre et la France, par leur position géographique, par leurs affinités politiques, par leurs différences de caractère qui les rendent, indispensables au développement intellectuel l’une de l’autre et la divergence de leur activité industrielle et artistique qui fait qu’elles se complètent mutuellement, ont pour mission de s’unir et non point de s’opposer dans le monde. Elles n’ont pas moins à attendre de leur amitié qu’à redouter de leur antagonisme. L’Angleterre et la France, comme démocraties, n’ayant rien à gagner à la guerre, sont