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circonstances présentes, de l’esprit qui animait ses efforts et de l’illusion où il s’abandonnait. Sir Thomas Barclay, — car un titre anglais-de « chevalier » lui a conféré en 1904 ce premier degré de la hiérarchie nobiliaire, en même temps que le gouvernement français le nommait officier de la Légion d’honneur, — Sir Thomas Barclay est un « pacifiste. » Il s’inspirait dans ses démarches et se servait dans ses moyens des doctrines et des instrumens du pacifisme. C’est un curieux chapitre de son livre, et que les événemens éclairent aujourd’hui d’une lueur blafarde, celui qu’il intitule : . Une ère nouvelle : l’Allemagne. Il s’attache à y montrer que l’entente anglo-française ne pouvait être considérée ni en Angleterre, ni en France, ni en Allemagne, comme opposée à l’amitié anglo-allemande. Rien de plus vrai, en ce sens que-l’entente était, en effet, essentiellement pacifique dans ses desseins. Mais cette « amitié » fut-elle jamais autre chose qu’un rêve de Sir Thomas Barclay ? Il allait plus loin et se flattait de l’espoir que l’Angleterre serait, grâce à l’entente, en position de jouer entre la France et l’Allemagne le rôle que la France a joué entre l’Angleterre et la Russie. Ni l’Angleterre, ni la Russie ne sont des nations de proie et elles voulaient vraiment la paix.

On se rappelle l’épisode de Hull durant la guerre russo-japonaise, cette méprise déplorable qui fit canonner des pêcheurs anglais par des Russes dans la mer du Nord[1]. Il surexcita l’opinion publique en Angleterre au point que le gouvernement fut exposé à n’en plus rester le maître. Si aucun excès ne se produisit, il n’est pas douteux qu’on ne le doive, au moins pour une très grande part, à l’Entente anglo-française. Le règlement amiable par une commission d’enquête marqua ainsi le premier grand triomphe de la Convention de La Haye ; mais ce fut un bien plus grand triomphe encore pour l’entente anglo-française. Cet incident montra « que les relations de l’Angleterre avec l’alliée de sa nouvelle amie avaient subi un changement qui a abouti depuis à une complète redistribution des forces politiques de l’Europe. »

Cette « redistribution » était éminemment favorable à la cause que défendait Sir Thomas Barclay. Il crut la servir en acceptant une invitation du président de l’Association des

  1. Voyez la Chronique politique de M. Francis Charmes dans la Revue du 1er novembre 1904.