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graves ennuis. « Si bien que ma surprise a été grande, — nous dit-il, — lorsqu’ensuite j’ai pu constater, au contraire, les résultats merveilleux de cette douceur qui m’avait d’abord effrayé. »


Après nous avoir ainsi décrit la formation du militaire allemand, l’écrivain anglais étudie tour à tour les divers degrés de la hiérarchie, comme l’avait fait déjà le capitaine Pommer. Comme lui, il nous signale l’absence complète de tout lien entre les soldats et leurs chefs. « A la différence de ce que nous voyons dans les armées française et anglaise, jamais un officier allemand n’est le confident de ses hommes. Jamais, à ma connaissance, un officier n’a fait le moindre effort pour encourager ses hommes à lui ouvrir leurs cœurs. Et cela, selon moi, est fâcheux même au point de vue purement professionnel. Le soldat aime à sentir qu’il a près de soi quelqu’un qui s’intéresse à lui, quelqu’un qui pourra lui donner un conseil, ou du moins recevoir l’aveu de ses peines. »

Encore n’est-il pas rare de rencontrer dans l’armée allemande des officiers qui, sans s’abaisser à devenir les « confidens » de leurs hommes, ne refusent pas de témoigner à ceux-ci quelque sympathie : tandis que le type ordinaire du sous-officier tendrait de plus en plus, d’après l’auteur anglais, à se rapprocher des susdits gardiens de son École de Cadets. Mais aussi bien le recrutement même des sous-officiers commençait-il, ces années passées, à embarrasser cruellement les chefs militaires. Et vainement l’on avait cru remédier au mal en relevant un peu le salaire des sous-officiers. « Le mal était trop profond pour pouvoir désormais être réparé. Sans l’ombre d’un doute, de plus grand nombre des sous-officiers qui font aujourd’hui partie des troupes sur le front sont d’une espèce considérablement inférieure à celle des sous-officiers allemands de 1870. Tous, ou presque tous, ils n’ont fondé leur autorité que sur les méthodes, purement allemandes, de la force brutale et de la menace, — méthodes dont ils peuvent avoir tiré des résultats satisfaisans en temps de paix, mais qui, pendant la guerre, risquent fort de se montrer beaucoup moins fructueuses. »

Seul, le prestige « social » du sous-officier s’était conservé intact, d’année en année. Dans toutes les cuisines des villes de garnison, notamment, les triomphes du sergent ou même du simple caporal dépassaient ceux du plus séduisant des soldats non gradés ; et chaque jour ses caprices, l’allure volontiers changeante de sa fantaisie amoureuse y donnaient lieu à des épisodes comme celui que nous raconte l’auteur du livre anglais :