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gré de l’avoir fait par une décision immédiate et formelle qui nous a libérés de tout souci sur notre frontière du Sud-Est. Aussi leur souhaitons-nous sincèrement de trouver dans la manière dont la situation se dénouera les satisfactions légitimes auxquelles ils aspirent, et c’est tout au plus si nous dirons qu’il est rare de gagner au jeu quand on n’y a rien mis : nous en avons su quelque chose en 1866 lorsque, après Sadowa, nous avons réclamé sur le Rhin des compensations qu’on ne nous a pas accordées. Les vues de l’Italie sont très larges. Personne n’ignore qu’elle regarde Trente et Trieste comme les complémens nécessaires de sa nationalité, en quoi elle a raison, et aussi que les événemens de ces dernières années ont posé pour elle, dans l’Adriatique, des questions nouvelles dont l’intérêt s’est particulièrement concentré sur Vallona. Du côté de Trieste et de Trente, l’Italie n’a fait aucun mouvement, aucun geste apparent : il n’en a pas été tout à fait de même du côté de Vallona, mais son mouvement a été à peine sensible et son geste très discret. Elle s’est contentée d’envoyer une commission sanitaire, qui n’a pas encore, croyons-nous, débarqué sur la côte orientale de l’Adriatique : l’intention toutefois est manifeste et elle l’est devenue encore davantage par le fait que l’Italie, qui regardait naguère d’un œil si impatient les ambitions de la Grèce au Nord ! de l’Épire et se montrait si opposée à leur réalisation, paraît aujourd’hui en avoir pris son parti, ce qu’elle n’a certainement fait que sous le bénéfice d’une compensation qui lui serait donnée ou qu’elle prendrait ailleurs. Ce n’est ni nous ni aucun de nos alliés qui y ferons le moindre obstacle et, tout au contraire, nous verrions avec satisfaction l’Italie s’assurer sur la côte de l’Adriatique un gage de l’avenir qui lui appartient dans une mer où elle a tenu autrefois une si grande place.

L’occasion est bonne, car l’Albanie n’existe plus : nous parlons de l’Albanie politique à la création de laquelle l’Europe avait consenti par pure condescendance envers l’Autriche. Le prince de Wied n’était pas de taille à faire vivre cette œuvre artificielle ; il a disparu, et la question qu’il n’a pas résolue reste entière. Qu’en adviendra-t-il après la guerre ? Cela dépendra de tant d’élémens, pour le moment incalculables, que nous ne nous hasarderons pas à émettre à ce sujet une prévision quelconque, mais il est hors de doute que l’Italie aura à ce moment un rôle à jouer. Si elle s’y prépare, comme c’est probable, elle le fait d’un manière prudente, un peu mystérieuse, et nous ne chercherons pas plus sur ce point que sur les autres à préjuger ses desseins. Aussi n’aurions-nous pas parlé d’elle aujourd’hui et aurions-nous attendu patiemment qu’elle sortît de à pénombre où elle reste si le