Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dues à la privation de sommeil et parfois de nourriture ont.dépassé tout ce que l’on pouvait imaginer ; vous avez tout supporté avec une vaillance, une fermeté et une endurance que les mots sont impuissans à glorifier comme elles le méritent.

Camarades, le Général en chef vous a demandé, au nom de la Patrie, de faire plus que votre devoir : vous avez répondu j au-delà même de ce qui paraissait possible. Grâce à vous, la victoire est venue couronner nos drapeaux. Maintenant que vous en connaissez les glorieuses satisfactions, vous ne la laisserez plus échapper.

Quant à moi, si j’ai fait quelque bien, j’en ai été recompensé par le plus grand honneur qui m’ait été décerné dans une longue carrière, celui de commander des hommes tels que vous.

C’est avec une vive émotion que je vous remercie de ce que vous avez fait, car je vous dois ce vers quoi étaient tendus, depuis quarante-quatre ans, tous mes efforts et toutes mes énergies, la revanche de 1870.

Merci à vous et honneur à tous les combattans de la sixième armée. »

Claye (Seine-et-Marne), 10 septembre 1914.

Signé : JOFFRE.

Contresigné : MAUNOURY.


De quel commentaire affaiblir ce trait de feu ?… La nuit est venue, on rattrape l’Ourcq, la voiture route silencieusement, vite, par la Ferté-Milon, vers X… Dans la forêt très sombre, on dépasse de longues files d’Anglais et d’Écossais, cyclistes, cavaliers. A un carrefour, un officier, coiffé de la casquette plate, nous arrête, vérifie le sauf-conduit.

A mesure qu’on approche de la petite ville, la route se couvre de postes et d’arrière-gardes ; sur les bas-côtés, des feux de cuisines et de popotes éclairent des groupes de soldats au bivouac, des files de chevaux à la corde, des voitures en parcs Les trottoirs regorgent de troupes cantonnées, c’est une fourmilière. Hôtels combles, tous les logemens réquisitionnés. Atmosphère de sécurité, d’entrain. Ce quartier général d’armée, on y respire vraiment la victoire. Sur la chaussée de la grande rue, que gardent gendarmes et fantassins, défilent, depuis le