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allemande (venant de la direction de Verberie) atteignait Senlis. La retraite franco-anglaise, une fois de plus, fit front. Couverte par des troupes britanniques, que soutenaient hussards et turcos, la ville respirait encore, durant la matinée. Mais, convergeant des villages environnans, les masses ennemies resserraient l’étreinte. A midi trois quarts, le bombardement commença. Le tir, repéré avec soin, écrasait la gare, tentait d’atteindre, avec les édifices publics, la cathédrale, touchait l’hôpital plein de blessés allemands et français. Une vive fusillade crépitait, plusieurs habitans, qui se trouvaient alors dans les rues, furent tués ou blessés par les éclats d’obus et les balles. Vers une heure, les premiers uhlans apparurent, par les routes de Crépy-en-Valois et de Nanteuil-le-Haudouin.

En bon ordre, les alliés se replièrent alors vers Chantilly, et évacuèrent la ville, non sans avoir détruit les magasins à approvisionnerions. Une heure plus tard, par les rues de la République, du Faubourg-Saint-Jacques, et Vieille-de-Paris, les Allemands faisaient leur entrée. En avant de leurs hussards pédalaient leurs cyclistes, et, parmi eux, les guidant, ceux qui déjà connaissaient, — pour y avoir vécu, trafiqué, — la région et la ville. En tête, notamment, le chauffeur d’un propriétaire allemand dont le commerce fut, bien entendu, immunisé. Ainsi put-on plus tard lire, écrites à la craie sur les portes, des recommandations de ce genre : Maison à épargner (Haus zu schonen)… Prière de ne rien prendre, braves gens (Bitte schœn, gute leute, nicht nehmeri)… De la mention : mauvaise gens, d’autres désignaient en revanche, au pillage et à l’incendie, des demeures de gros commerçans, d’Alsaciens, et celles des officiers de la garnison.

Cependant, un major et plusieurs officiers se rendaient droit à la mairie, en automobile. Ils n’y trouvèrent que le maire, M. Odent. Le sous-préfet, M. Douarche, étant mobilisé, son intérimaire avait cru devoir donner la veille, aux différens chefs administratifs, l’ordre (ou le conseil) d’abandonner leurs services. Et d’autre part, la plus grande partie des habitans, et notamment les classes aisées, n’avaient pas attendu, pour déserter en masse leurs demeures, que les Allemands fussent à proximité. M. Odent, « écrasé par la douleur, » était donc seul. Plus de conseil municipal ; aucune mesure n’avait été prise, aucun avis donné, nulle affiche… Les vainqueurs s’enquièrent :