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heureusement les divers points qui dominent les vallées environnantes.

Ces défenses étaient en état de jouer dès les premiers jours de la mobilisation par le seul concours de la marine et de l’artillerie, celle-ci, renforcée par les réservistes, ayant armé sur l’heure les forts et les postes de surveillance du littoral, celle-là prolongeant à l’aide de torpilleurs et de sous-marins le rayon d’investigation de la place. On sait que si ces grand’gardes ne parvinrent pas à rejoindre le Gœben et le Breslau, c’est que la vitesse de ces deux croiseurs leur permit, aussitôt leurs méfaits accomplis, de s’enfuir avant qu’on eût pu les atteindre. Depuis, la décision des escadres ennemies de rentrer dans leurs ports, et d’y demeurer à l’abri des forts et des mines, n’a pas fourni à Bizerte l’occasion de donner toute sa mesure en tant que valeur défensive. En revanche, elle a pu remplir dans le calme son rôle principal de base de nos escadres qui, après avoir assuré la sécurité du passage des troupes africaines sur le continent, allaient opérer dans l’Adriatique pour faire le blocus des côtes d’Autriche et tenter de frapper au cœur cette puissance en s’emparant de Pola. Si l’on ajoute à ces détails que, par sa position avancée sur les routes commerciales du Levant à Gibraltar, Bizerte se trouve dans des conditions exceptionnelles pour exercer la police de la mer à l’encontre des cargo-boats suspects de ravitailler l’Allemagne par des interpositions plus ou moins habilement dissimulées, on appréciera mieux encore tous les services qu’a rendus et est appelé à rendre un poste si merveilleusement situé et organisé pour assurer aux alliés, dans les circonstances actuelles, la maîtrise de la Méditerranée.

Ces services, l’Allemagne les prévoyait depuis longtemps ; elle en avait saisi l’importance et lorsque, dans son infatuation, elle ambitionna, pour réaliser ses rêves de domination sur toutes les mers, de s’approprier nos colonies d’Afrique, la possession de la Tunisie, qui devait lui assurer celle de Bizerte, entra dans ses projets et y prit la première place. Dès ce moment, les pays qu’elle convoitait devinrent l’objet des études de son état-major, et quand on sait ce qu’elle a fait ailleurs pour se renseigner à l’avance sur la topographie des pays qu’elle voulait conquérir, sur les mœurs, les opinions et les dispositions de leurs habitans et l’espionnage infernal auquel elle s’est livrée