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veut… Celle de l’infant[1], qui reste inhabitée, est bien plus magnifique que les autres, en damas, trumeaux et tables de marbre avec des vitraux de glace, les plus grands qu’il a été possible de les faire, pour laisser la parure de l’intérieur à découvert. » En haut de l’Escalier Royal, se dressait la grande porte du conclave. Dans l’un de ses battans, on avait percé un judas par lequel les cardinaux chefs d’ordre pouvaient écouter les rapports du gouverneur de Rome ou, en certains cas, donner audience aux ambassadeurs. A droite et à gauche de la porte, avaient été installées deux tours par lesquels les vivres et les subsistances de toute sorte seraient passés à l’intérieur.

Mais, si, le matin du 19 février, le Sacré Collège avait été seul a pénétrer dans la chapelle Sixtine, les barrières du conclave ne s’étaient pas définitivement refermées sur lui. Se conformant à un aimable usage, le cardinal Albani autorisa ses confrères à recevoir dans leurs cellules, jusqu’au coucher du soleil, leurs amis ou leurs proches. Et, tout l’après-midi, ce fut un long défilé de princesses romaines, d’ambassadeurs et de prélats venant apporter leurs vœux aux Éminences prisonnières et leur souhaiter bonne chance et prompte réussite. A la tombée de la nuit, une sonnette fut agitée dans les couloirs pour hâter les derniers départs, puis le camerlingue, s’étant assuré qu’aucun intrus ne restait en arrière, donna l’ordre de clore les portes. Il en tira lui-même les verrous et les cadenassa, tandis qu’au dehors, le prince Chigi, maréchal héréditaire du conclave, en fermait à double tour les serrures extérieures. Le sort en était jeté !


Quel serait le nouveau pape ? telle était la préoccupation de la Ville Eternelle tout entière. Du Corso au Transtévère, dans les palais comme dans les masures, sur les places, dans les églises, le jour comme la nuit, la même question revenait sur toutes les lèvres. Bien plus, les ambassadeurs la retrouvaient dans les dépêches de leurs ministres, les banquiers romains dans les lettres de leurs cliens étrangers, les savans sous la plume de leurs correspondans. De près comme de loin, en France comme en Italie, à Madrid comme à Vienne, l’élection

  1. Louis-Antoine de Bourbon, un des fils du roi Philippe V, pourvu des revenus de l’archevêché de Tolède en 1734, cardinal en 1738, quitta l’état ecclésiastique en 1754 et mourut en 1785.