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guider, à travers la confusion de l’Europe, la diplomatie des nonces, cet immense labeur, qui eût absorbé plusieurs vies d’hommes, ne suffisait pourtant pas à rassasier l’activité dévorante du pontife. Celui-ci trouvait encore le temps de correspondre, avec les savans les plus illustres de l’époque et de commenter leurs travaux. Sur son initiative, des recherches archéologiques étaient faites à Rome et par toute l’Italie : par ses soins, les collections du Vatican et du Capitole se voyaient considérablement accrues, et la Ville Eternelle devait à sa munificence la construction ou la réfection de nombreux édifices.

En un mot, il fut un de ces papes qui, tout en resserrant l’armature de l’Eglise, savent néanmoins empêcher le grand corps catholique de se replier sur lui-même en une défense timide, mais le portent à l’action et à l’expansion par où l’Eglise manifeste sa vitalité et affirme à la face du monde les droits qu’elle a hérités de son institution divine. N’était-ce pas bien l’homme qu’il fallait au gouvernail de la barque de Pierre, pour en assurer la route sur une mer traîtresse et mêlée d’écueils ?

Et pourtant, il faut le redire et bien méditer cette parole : nul n’avait songé à Prosper Lambertini avant l’heure où, mis à la tête de la chrétienté, il s’y révéla comme le plus digne. Etonnante réussite pour un vote de hasard ! Mais vingt ans après, l’abbé Certain se fût-il exprimé de même ? Lassitude des querelles sans fin, dégoût de la vie recluse, impatience de l’obsédante clôture, les santés ébranlées, les nerfs en déroute, tout cela explique bien que les cardinaux, dans leur hâte d’en finir, aient voulu à tout prix faire un choix, mais non pas qu’ils aient fait le choix le meilleur, l’unique choix, ce choix-là ! C’est donner la part trop belle ç l’infirmité humaine que de lui attribuer le mérite d’un événement où, nous, catholiques, nous reconnaissons hardiment la main de la Providence.


GABRIEL DE MUN.