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d’un de ces courts « mémoires » d’une centaine de pages qui tendent de plus en plus à remplacer, dans tous les domaines de la science allemande, les pesans et respectables in-octavo d’autrefois. Seuls, les titres des écrits « scientifiques » conservent volontiers leur ancienne longueur. Le mémoire en question est intitulé : Sherlock Holmes, Raffles, et leurs modèles, Contribution à l’histoire du développement et de la technique du récit d’aventures criminelles. C’est une sorte de thèse doctorale, présentée à la faculté d’Heidelberg par un jeune érudit, M. Friedrich Depken.

Et d’abord, je dois observer que le titre de la brochure, pour long qu’il soit, se trouve être manifestement exact. « Les principaux représentans du récit d’aventures criminelles, — nous dit l’auteur dans sa préface, — sont Arthur Conan Doyle et Ernest W. Hornung, qui tous les deux ont eu pour modèles, d’une part, les romans criminels du Français Emile Gaboriau, de l’autre les histoires policières de l’Américain Edgar Poe. » En fait, M. Depken ne cesse pas, dans toute sa brochure, d’associer et de comparer les quatre œuvres d’Edgar Poe, de Gaboriau, de M. Conan Doyle, et de M. Hornung, tout à fait comme si ces quatre œuvres dataient du même temps. C’est seulement vers la fin, dans un chapitre de quelques pages, qu’il se souvient vaguement de nous avoir promis l’étude du « développement historique du récit d’aventures criminelles depuis Poe jusqu’à Hornung. » Tout le reste du mémoire est exactement quelque chose comme une « composition » ou un « concours, » — à la manière des collèges, — entre les quatre conteurs choisis par M. Depken. Tour à tour, l’un ou l’autre d’entre eux se1 voit décerner la première place. Par exemple, le « prix » de « vraisemblance » est accordé à M. Conan Doyle, et celui d’ « humour » à M. Hornung. Pour le « prix » de « composition, » l’auteur du Scarabée d’Or, le puissant et subtil poète américain arrive ex æquo avec notre compatriote Emile Gaboriau. Une longue suite de petits chapitres sont affectés à cet exercice « scolaire, » sur la portée « scientifique » duquel j’aurai, du reste, à revenir tout à l’heure.


Mais, en attendant, je dois noter encore l’un des traits les plus typiques du sujet même du livre. Ce sujet consistant, comme je l’ai dit, à comparer entre eux quatre conteurs de « récits criminels, » M. Depken s’est tenu rigoureusement à n’étudier que ces quatre écrivains, sans se permettre jamais d’en rapprocher ou de leur opposer tels autres hommes qui nous ont laissé des récits du même