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L’ambassadeur d’Allemagne à Saint-Pétersbourg discuta longuement la note de son gouvernement avec M. Sazonoff, mais sans réussir à le convaincre. M. Sazonoff lui déclara très clairement, — most positively, — que la Russie n’aurait jamais consenti, à aucune condition, à laisser l’Autriche et la Serbie vider seules leur querelle[1] ; et, le même jour, il demanda à l’Autriche-Hongrie un prolongement du délai accordé à la Serbie. La dépêche du 24 au chargé d’affaires russe à Vienne résume si clairement le point de vue russe qu’il faut en connaître le texte :


Veuillez transmettre au ministre des Affaires étrangères d’Autriche-Hongrie ce qui suit : « La communication du Gouvernement austro-hongrois aux Puissances le lendemain de la présentation de l’ultimatum à Belgrade ne laisse aux Puissances qu’un délai tout à fait insuffisant pour entreprendre quoi que ce soit d’utile pour l’aplanissement des complications surgies.

« Pour prévenir les conséquences incalculables et également néfastes pour toutes les Puissances qui peuvent suivre le mode d’action du Gouvernement austro-hongrois, il nous paraît indispensable qu’avant tout, le délai donné à la Serbie pour répondre soit prolongé. L’Autriche-Hongrie, se déclarant disposée à informer les Puissances des données de l’enquête sur lesquelles le Gouvernement Impérial et Royal base ses accusations, devrait leur donner également le temps de s’en rendre compte.

« En ce cas, si les Puissances se convainquaient du bien-fondé de certaines des exigences autrichiennes, elles se trouveraient en mesure de faire parvenir au Gouvernement serbe des conseils en conséquence.

« Un refus de prolonger le terme de l’ultimatum priverait de toute portée la démarche du Gouvernement austro-hongrois auprès des Puissances et se trouverait en contradiction avec les bases mêmes des relations internationales. »

Communiqué à Londres, Rome, Paris, Belgrade.

Signé : SAZONOW,


Le point de vue russe était l’opposé du point de vue allemand. L’Allemagne soutenait que les Puissances ne devaient pas s’immiscer dans le conflit austro-serbe ; la Russie répondait que ce conflit intéressait toute l’Europe. Il fallait donc discuter ces deux thèses ; mais, pour les discuter et trouver moyen de les concilier, il fallait du temps. C’est ce que la Russie, l’Angleterre

  1. German White Book, doc. 4.