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netteté et la résolution qui semblent faire défaut, en ce moment, à la politique allemande, se retrouvent dans la politique autrichienne, qui, le jour précédent, avait paru vouloir ménager les susceptibilités de la Russie. Le 25, au contraire, l’Autriche-Hongrie lui refuse catégoriquement le prolongement du délai. Le comte Berchtold avait pensé aller, ce jour-là, à Ischl ; le chargé d’affaires russe, M. Koudachew, ne put lui remettre la dépêche de son ministre et fut obligé de la lui télégraphier[1] ; la réponse fut négative[2]. Pour adoucir l’impression de ce refus, l’ambassadeur d’Autriche à Londres affirmait le même jour à Sir Edward Grey que son gouvernement, si la réponse de la Serbie n’était pas satisfaisante, rappellerait son ministre de Belgrade, mais qu’il n’entamerait aucune opération militaire. Il se bornerait à commencer ses préparatifs.

Sir Edward Grey, comme tout le monde d’ailleurs, ne croyait pas que la Serbie se soumettrait à l’ultimatum autrichien. Dès qu’il eut appris que l’Autriche-Hongrie refusait le prolongement du délai, il ne douta plus que dans quelques heures la rupture diplomatique entre les deux pays serait un fait accompli, et que cette rupture entraînerait comme conséquence la mobilisation de l’Autriche et celle de la Russie. Devant une telle situation, il ne voulut pas perdre de temps, car, en vérité, il n’y avait pas de temps à perdre. L’ambassadeur d’Autriche une fois parti, il s’adressa à l’ambassadeur d’Allemagne. Il lui dit que la Russie et l’Autriche-Hongrie mobiliseraient d’un moment à l’autre, et lui précisa le plan d’action qu’il proposait pour sauver la paix de l’Europe, si cette redoutable éventualité se réalisait. Les quatre Grandes Puissances devaient s’engager mutuellement à ne point mobiliser, et s’unir pour demander à la Russie et à l’Autriche-Hongrie de s’abstenir de tout acte d’hostilité, tant qu’elles tâcheraient elles-mêmes de trouver un terrain de conciliation. Il insista surtout sur une collaboration active de la part de l’Allemagne, en démontrant que, sans elle, aucune action sérieuse en faveur de la paix n’était possible. Le prince Lichnowsky lui lut d’abord une dépêche de M. de Jagow affirmant que le gouvernement allemand n’avait point connu la note autrichienne avant qu’elle fût remise, mais que, puisqu’elle l’avait été, l’Allemagne se sentait obligée à soutenir son

  1. Livre Orange, doc. n. 11. — Livre Jaune, doc. 45.
  2. Livre Orange, doc. n. 12.