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la journée, commencent à arriver à Berlin[1] ; mais il s’efforce de convaincre Londres, Paris et Saint-Pétersbourg que, l’Autriche-Hongrie ayant déclaré ne pas poursuivre en Serbie des ambitions territoriales, la Russie n’a plus aucune raison d’intervenir. Toute la responsabilité d’une conflagration européenne pèserait sur elle, si la Russie persistait dans son attitude. C’est la thèse que le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, M. Zimmermann, développe, le 26, au chargé d’affaires anglais. M. Sazonoff a déclaré à l’ambassadeur d’Allemagne que la Russie ne pourrait rester indifférente, si l’Autriche s’annexait une partie du territoire serbe ; mais l’Autriche n’a nullement cette intention : donc…[2]. C’est la thèse que, le [même jour, le chancelier de l’Empire fait présenter aux cabinets de Londres et de Paris, en les priant de la recommander à Saint-Pétersbourg[3]. Il est intéressant de lire dans le Livre Orange comment l’ambassadeur d’Allemagne à Paris s’est acquitté de sa mission :


Aujourd’hui l’ambassadeur d’Allemagne a de nouveau rendu visite au gérant du Ministère des Affaires étrangères et lui a fait les déclarations suivantes :

« L’Autriche a déclaré à la Russie qu’elle ne recherche pas des acquisitions territoriales et qu’elle ne menace pas l’intégrité de la Serbie. Son but unique est d’assurer sa propre tranquillité. Par conséquent, il dépend de la Russie d’éviter la guerre. L’Allemagne se sent solidaire avec la France dans le désir ardent de conserver la paix et espère fermement que la France usera de son influence à Pétersbourg dans un sens modérateur. »

Le ministre fit observer que l’Allemagne pourrait de son côté entreprendre des démarches analogues à Vienne, surtout en présence de l’esprit de conciliation dont a fait preuve la Serbie. L’ambassadeur répondit que cela n’était pas possible, vu la résolution prise de ne pas s’immiscer dans le conflit austro-serbe. Alors le ministre demanda, si les quatre Puissances, — l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie et la France, — ne pouvaient pas entreprendre des démarches à Saint-Pétersbourg et à Vienne, puisque l’affaire se réduisait en somme à un conflit entre la Russie et l’Autriche. L’ambassadeur allégua l’absence d’instructions. Finalement, le ministre refusa d’adhérer à la proposition allemande.

Signé : SKVASTOPOULO.


Si cette thèse était autre chose qu’un expédient dilatoire, il faut admettre que l’Allemagne a été victime, le 26, d’une singulière illusion. Ce qu’elle demandait, avec une si naïve

  1. German White Book, doc. n. 6, 7, 8.
  2. Great Br., doc. n. 33.
  3. German Whlte Book, doc. n. 10, 10 a ; Livre jaune, n, 56.