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M. de Jagow déclara à l’ambassadeur d’Angleterre que la conférence proposée serait en réalité une cour arbitrale et qu’il lui semblait impossible de convoquer une cour arbitrale pour juger les différends austro-russes, si la Russie et l’Autriche ne la demandaient pas. C’est en vain que l’ambassadeur tâcha de lui, prouver qu’il n’y avait rien de commun entre la conférence proposée par l’Angleterre et une cour arbitrale ; le ministre ne se laissa pas convaincre et il ajouta que, puisque l’Autriche et la Russie voulaient causer ensemble, il lui semblait mieux d’attendre l’issue de ces pourparlers avant d’essayer autre chose. M. de Jagow répéta les mêmes déclarations, pendant la journée, à M. Cambon[1].

Il est difficile d’expliquer ces contradictions ; si elles n’étaient pas une manœuvre, elles prouveraient que des courans et des influences différentes luttaient à Berlin. Quoi qu’il en soit, la diplomatie allemande revenait pour la circonstance à un jugement optimiste de la situation. Le danger n’étant pas urgent, on pouvait attendre. Et pourtant ce même jour, l’Autriche déclara aux Puissances que, la réponse de la Serbie n’étant pas satisfaisante, elle se préparait à employer les « moyens énergiques, » sans préciser autrement[2]. L’optimisme dilatoire de l’Allemagne peut être jugé de différentes manières ; mais, sincère ou non, le résultat était le même. L’Allemagne paralysait les Puissances de la Triple Entente, tandis que l’Autriche agissait. Il est évident que la France, l’Angleterre, la Russie ne pouvaient pas laisser cette situation paradoxale se prolonger indéfiniment. Aussi les trois Puissances redoublèrent, le 27, leurs efforts à Vienne et à Berlin. Sir Ed. Grey demanda à l’ambassadeur d’Autriche si son gouvernement avait pensé que, parmi les conséquences de son acte, pouvait être la guerre générale[3]. L’ambassadeur de Russie à Vienne eut une longue conversation avec le baron Macchio, sous-secrétaire d’Etat pour les Affaires étrangères. Il lui dit qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie provoquerait l’intervention de la Russie et la guerre européenne ; il demanda que l’ambassadeur d’Autriche à Saint-Pétersbourg reçût les pleins pouvoirs pour continuer la discussion avec M. Sazonoff, qui, de son côté, ferait tout son possible pour convaincre la Serbie de donner satisfaction aux demandes justes de

  1. Great Br., doc. n. 43 ; Livre Jaune, 74.
  2. Great Br., doc. n. 48 ; Livre Orange, doc. n. 37
  3. Great Br., doc. n. 48