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nouveaux qui changèrent tout à coup la face des empires et couvrirent d’or et de diamans la terre ancienne. Tu es, Otahiti, un lieu de relâche et de radoub pour le navigateur fatigué de chercher les pôles, tu es un lieu de repos pour l’imagination lassée de chercher ailleurs que sur ton sol tant d’innocence et de bonheur. Ceux qui t’habitent sont forts et vaillans comme des hommes, ils sont innocens et beaux comme des enfans… Cette île fait aimer la mer et le navigateur qui fut son hôte… »

Cook est, aux yeux de Joubert, un double héros, antique et moderne. Ses découvertes évoquent le temps où la première audace des navigateurs conquit les espaces terrestres. Et ce conquérant, ce faiseur de périples a pratiqué les vertus nouvelles, l’humanité, la bienfaisance universelle, la volonté d’être utile aux hommes, à toutes les nations, de servir au progrès. Joubert insiste sur la bonne efficacité de Cook : « Tous ses voyages furent marqués par des succès éclatans et des actions utiles. Il découvrit trente peuples nouveaux : il sema des plantes utiles dans les îles désertes et donna des exemples de vertus à des peuples sauvages. Il rendit la mer plus navigable et le séjour des vaisseaux plus sain. Il eut le bonheur des anciens héros et ramena deux fois tous ses compagnons des extrémités du monde. Sa gloire fut éclatante et pure comme sa vertu : des peuples qui l’aimoient le chantent au-delà de l’Amérique… » Le caractère véritablement moderne de Cook, Joubert le marque avec beaucoup d’insistance, et jusqu’à écrire : « Si Cook avoit fait ses voyages il y a cent ans, il y a deux cents ans, on auroit simplement considéré sa conduite d’homme de mer et estimé l’exactitude de ses déterminations. Il auroit obtenu les suffrages de ses égaux et des sçavans et l’attention des politiques… » Et maintenant ? Qu’y a-t-il, maintenant, de nouveau ? Écoutons Joubert : il ne se trompe pas. Donc, jadis, on aurait admiré ce capitaine heureux ; « mais sa bonté, son extrême attention à ne pas blesser la justice n’auroient pas ému les esprits et donné à son nom cette vogue dont nous sommes témoins et qui désormais durera toujours. Les hommes d’Etat auroient fait traduire ses relations, les hommes de mer les auroient étudiées, les esprits éclairés en auroient fait cas ; mais quelques particuliers seulement les auroient lues. On n’auroit. sçu voir en lui qu’un habile navigateur anglois, mais non pas l’homme qui doit être cher à toutes les nations et à tous les siècles. » Ce