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POÉSIES


LA VEILLÉE DE LA REINE


Le départir n’est rien qu’un bref sommeil…
La mort est fin d’une prison obscure…
(Marguerite d’Augoulême, reine de Navarre ?



Le jour, cher aux vivans, mourait, vaincu par l’ombre.
Quand le vitrail pourpré devint tout à fait sombre,
Les dames en prière autour du lit muet
Où, sous les draps brodés, plus rien ne remuait,
Furent prises d’angoisse, et leurs lèvres ternies
Hâtèrent les versets des tristes litanies.
Maître Jean Scuronis, sur la banquette assis,
Qui gardait, depuis l’aube, un silence indécis,
Se leva, lent et grave, à la lueur du cierge
Dont la flamme vacille au chevet de la Vierge,
Et de ses doigts noueux palpa la maigre main
D’Hélène d’Escurac, comtesse de Carmain.

Tous les yeux dans ses yeux imploraient l’espérance,
Mais il hocha la tête et rendit sa sentence :
« Une heure à peine, et l’âme aura quitté ce corps, »
Dit-il ; « Que le Seigneur donne la paix aux morts. »
— « Heureuse ! » murmura d’une voix oppressée
La reine Marguerite en sa chaise affaissée,
« Elle va donc enfin savoir la vérité. »

L’abbé de Turpenay qui priait à côté