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REVUES ÉTRANGÈRES

HENRI DE TREITSCHKE ET LE PANGERMANISME


Treitschke, his Life and Works, 1 vol. in-8o, Londres, librairie Jarrold and Sons, 1914.


L’un des thèmes les plus constans de l’ancienne imagination populaire allemande, telle que nous la révèlent notamment les précieux recueils des frères Grimm, est l’histoire d’un pauvre diable auquel une chance inespérée a permis soit d’accomplir un véritable exploit, soit plutôt, simplement, de faire semblant de l’avoir accompli. En tout cas, voici que l’humble artisan revêt dorénavant les allures d’un héros ; et ni les éloges que lui prodigue la foule, ni les titres et dignités qui s’abattent sur lui, ni les plus gracieux sourires que lui lance, du haut de son trône, la très belle fille du Roi, rien de tout cela n’étonne un heureux gaillard qui, la veille encore, dans son village, scandalisait tous ses compagnons par sa résignation apeurée et servile. Il faut voir, par exemple, dans un conte des frères Grimm, avec quel mélange prodigieux d’orgueil et d’aplomb certain apprenti tailleur s’avance d’un pas rapide à la conquête du monde, depuis le jour où, ayant tué sept mouches, il s’est avisé d’inscrire sur sa casquette la menaçante appellation : Sept-d’un-Coup ! Son front, en vérité, ne s’élèverait pas plus fièrement si, au lieu de sept mouches, il avait tué sept géans ; et le fait est que bientôt lui-même, sous l’influence des témoignages unanimes d’admiration dont il se trouvera entouré, ne saura plus au juste si c’est à des mouches ou bien à des géans que s’est, d’abord, adressée la force de son bras.

Il ne s’est guère passé une journée, depuis quatre mois, sans que me revinssent en mémoire les aventures de ce tailleur Sept-d’un-Coup