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diplomates, les professeurs, les savans, tous les intellectuels de l’Allemagne ne témoignaient que dédain et mépris aux petites nations et leur déclaraient à qui mieux mieux qu’elles devaient se soumettre ou disparaître. Il suffisait à la Belgique d’avoir des oreilles pour entendre. Comment n’aurait-elle pas craint pour sa neutralité ? Malgré cela, jusqu’à la dernière minute, elle s’est abstenue de tout ce qui pouvait, en manifestant cette appréhension, paraître la justifier. La Fiance lui ayant offert son concours, elle a déclaré- n’en avoir pas besoin, et, quand, sa neutralité étant déjà violée, elle a sollicité ce concours, ainsi que celui de l’Angleterre, il était déjà bien tard. Mais nous n’insisterons pas sur des faits qui sont d’hier : tout le monde les connaît trop bien pour qu’il soit possible à la plus insigne mauvaise foi de les déformer.

M. de Bethmann-Hollweg, sentant la faiblesse de sa thèse, en perd le jugement au point de dire que si l’Angleterre était sincère dans sa défense des neutralités en souffrance, elle aurait dû défendre celle de la Chine, odieusement violée par le Japon à Kiao-Tchéou. L’argument est si comique que nous voudrions avoir plus de temps pour nous en amuser. Eh quoi ! Un homme s’introduit par effraction et violence dans une maison et s’y installe en mettant le pistolet sur la gorge du propriétaire. Une bonne occasion se présente, j’accours, je chasse l’intrus, et c’est lui qui s’étonne et s’indigne de ce que le gendarme n’a pas fait respecter l’inviolabilité du domicile ! Telle est l’histoire de la Chine, de l’Allemagne et du Japon. Mais enfin, insiste M. de Bethmann-Hollweg, il y avait là une neutralité : pourquoi l’Angleterre, si elle les aime tant, ne l’a-t-elle pas défendue ? Faut-il lui répondre que l’Angleterre ne l’avait pas garantie, et qu’elle n’est nullement le Don Quichotte à travers le monde des neutralités qu’elle n’a pas prises sous sa sauvegarde ? On rougit vraiment d’avoir à s’arrêter à ces puérilités. Peut-être sont-elles dignes de l’intellectualisme germanique, il faut le croire, puisqu’on les lui sert ; mais le bon sens sain et robuste du genre humain en a déjà fait justice.

Y a-t-il lieu de s’arrêter davantage, dans le discours que le chancelier impérial vient de foire entendre au Reichstag, à la chargea fond à laquelle il s’est livré contre l’Angleterre ? On peut résumer toute sa harangue en un mot : l’Angleterre, voilà l’ennemie ! C’est elle, elle seule qui est responsable de la guerre, car elle aurait pu l’empêcher, et elle ne l’a pas fait ; donc, elle la voulait sournoisement, et ce parti pris, qui la cloue désormais au pilori de l’histoire, a déjoué les bonnes intentions de la bonne et pacifique Allemagne, en pendant son