Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/832

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

courant de leur politique et de l’y associer. Toutefois, si l’Italie pouvait invoquer sa neutralité, elle pouvait aussi ne pas s’en prévaloir, et elle n’y aurait pas manqué, si elle avait vu son intérêt du côté de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne ; mais c’est ce qu’il lui était impossible de faire, pour des motifs que nous avons exposés si souvent qu’il n’y a pas lieu d’y revenir aujourd’hui.

L’Italie a donc pratiqué la neutralité la plus stricte, et elle a cru pouvoir s’en contenter jusqu’à présent. En sera-t-il de même dans un avenir prochain ? Gardons-nous de devancer les temps et de prévoir des intentions qui ne se sont pas encore complètement exprimées : il est cependant permis de dire que la neutralité italienne est entrée dans une phase nouvelle. « La neutralité proclamée librement et loyalement observée, a déclaré M. Salandra, ne suffit plus à nous garantir des conséquences du bouleversement immense qui prend chaque jour plus d’ampleur, et dont il n’est donné à personne de prévoir la fin. Sur les terres et sur les mers de l’ancien continent, dont la configuration politique est peut-être en train de se transformer, l’Italie a des droits vitaux à sauvegarder, des aspirations justes à affirmer et à soutenir ; elle a sa situation de grande puissance à maintenir intacte ; bien plus, elle doit faire que cette situation ne soit pas diminuée par rapport aux agrandissemens possibles des autres États. Il suit de là que notre neutralité ne devra pas rester inerte et molle, mais active et vigilante, non pas impuissante, mais fortement armée et prête à toute éventualité… L’expérience qui nous vient de l’Histoire, et plus encore des événemens auxquels nous assistons, doit nous enseigner que, si l’empire du droit cesse, la force demeure l’unique garantie du salut d’un peuple, la force humaine organisée et munie de tous les moyens techniques, perfectionnés et coûteux de défense. » Ce discours mériterait d’être reproduit en son entier, mais nous en avons cité assez pour en montrer l’importance et même la gravité. Quelque nette qu’en soit la signification, les manifestations de l’auditoire y ont encore ajouté un surcroît de clarté. Les applaudissemens n’avaient jamais été plus nombreux, plus nourris. A de certains momens, la Chambre s’est levée tout entière et on a senti passer sur toutes les têtes un de ces souffles puissans qui transfigurent les assemblées et les emportent dans un élan patriotique. Une discussion a suivi ; elle a été ardente, véhémente ; mais le gouvernement n’y a pris part qu’au dernier moment, pour conclure, et il a conclu en disant qu’il n’avait rien de plus à dire que ce qu’il avait dit. N’avait-il donc pas été compris ? En effet, on ne lui en a pas demandé