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LA BELGIQUE MARTYRE.

mands y font entrer les femmes et les y enferment. À Francorchamp, premier village entre la frontière et Verviers, ils demandent du café ; pendant que Mme Bovy, âgée de soixante ans, s’empresse de leur en verser, ils la précipitent sur le fumier, face en avant, et la tuent. Ils s’acharnent dans ce même village contre une jeune fille, Fernande Legrand, qui fuyait portant sur son bras un petit enfant qu’ils transpercent. Aux abords de Molenstede, un vieillard de quatre-vingt-dix-huit ans veut protéger sa fille outragée : on le lie à un tronc d’arbre, on amasse de la paille à ses pieds et on le brûle vif. À Hérent, un octogénaire est attaché sur sa chaise, puis on lui ouvre le crâne. À Mouland, un avocat de Liège a aidé à déterrer le cadavre d’un vieillard enterré vivant la veille.

Il faut continuer, en prenant çà et là les exemples frappans, l’énumération sanglante. Les nerfs le supportent à peine, mais, pour avoir une idée du martyre d’un peuple entier, il faut connaître ces détails dont parfois j’atténue la violence. Voyons maintenant les bourreaux s’acharner sur les enfans.

— Quel est le chemin de Gand ? demande le chef d’une patrouille à un gamin de Ternath. Le petit ignore l’allemand : — Je ne comprends pas, répond-il. Pour le punir, on lui coupe les deux mains ; le sang coule si fort qu’il succombe. À Werchter, le 27 août, M. Vincent Ernst de Bunswyck, consul de Belgique dans l’Uganda, voit sous un pont, flottant sur l’eau, le cadavre d’une jeune victime de douze années. Dans la nuit du 25 au 26, le comte H. de Hemptinne, engagé volontaire, ramasse près de Malines le corps d’un garçon de moins de quatorze ans, lardé de traces de lames. À Hofstade, il n’a pas quinze ans cet adolescent que l’on trouve les mains croisées derrière le dos, le corps percé de trous. « Je vis dans cette même commune, déclare le général Deruette, le cadavre d’un enfant qui avait été tué au moment où il demandait grâce. Telle était encore la position de son corps. » « Je vis à Hallembaye, écrit dans son rapport M. C., ingénieur de l’État, cinq malheureux civils horriblement tailladés, les poings liés, que des brutes de soldats tiraient méchamment pour les amener devant un corps d’officiers ; je vois toujours un pauvre petit vacher de treize à quatorze ans qui avait la joue percée d’un coup de baïonnette et les deux bras ruisselans de sang. » À Saint-Hadelin, comme on procède, devant sa femme, à l’exécution du maître d’école, on entraine