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des camps ; mais le nom d’Emile Reymond, frappé en plein ciel sur son aéroplane, était dans toutes les pensées, et M. le président Dubost a fait de cet homme distingué, modeste et brave, un portrait qui n’a eu qu’à être ressemblant pour émouvoir profondément l’assemblée. A la Chambre, c’étaient Pierre Goujon, Paul Proust, Edouard Nortier, sans parler de ceux qui, s’ils n’ont pas été frappés par les balles de l’ennemi, n’en sont pas moins morts de la guerre comme Albert de Mun et Georges Cochery. De telles pertes sont sensibles à une assemblée. A tous, M. Paul Deschanel a rendu l’hommage qui leur était dû ; mais, dans une autre partie de son discours, il s’est élevé plus haut encore en faisant, à larges traits, un tableau de la situation générale où il a montré « l’Empire allemand, qui s’est constitué au nom du principe des nationalités, le violant partout, en Pologne, en Danemark, en Alsace-Lorraine, et nos provinces immolées devenues le gage de ses conquêtes. » Le poids si lourd de l’hégémonie allemande ne pesait d’ailleurs pas seulement sur les provinces slaves, danoises ou françaises que l’Empire avait attachées à son char victorieux ; il pesait sur toute l’Europe. « Le monde veut vivre enfin, s’est écrié M. Deschanel. L’Europe veut respirer. Les peuples entendent disposer librement d’eux-mêmes. Demain, après-demain ? je ne sais. Mais ce qui est sûr, — j’en atteste nos morts ! — c’est que tous, jusqu’au bout, nous ferons notre devoir pour réaliser la pensée de notre race : Le droit prime la force ! » A plusieurs reprises, la Chambre a été soulevée d’un élan unanime en entendant ce noble langage : ses applaudissemens ont montré qu’elle partageait la pensée de son président ainsi que sa résolution.

Nous ferons tout notre devoir : c’est le résumé du discours de M. le président du Conseil. M. Viviani a dit beaucoup de choses en peu de mots. Après être remonté aux origines de la guerre et en avoir fait retomber la responsabilité sur ceux qui l’ont longuement préparée et brutalement déclarée, il a fait allusion aux preuves nombreuses qui sont venues de partout à l’appui de son affirmation. « Toutes ces révélations, a-t-il dit, sont apportées au tribunal de l’histoire où il n’y a pas de place pour la corruption. Et puisque, malgré leur attachement à la paix, la France et ses alliés ont dû subir la guerre, ils la feront jusqu’au bout. Fidèle à la signature qu’elle a attachée au traité du 4 septembre dernier, et où elle a engagé son honneur, c’est-à-dire sa vie, la France, d’accord avec ses alliés, n’abaissera ses armes qu’après avoir vengé le droit outragé, soudé pour toujours à la patrie française les provinces qui lui furent ravies par la force, restauré l’héroïque