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Quant à la Duchesse de Berry, elle prend les eaux de Bath ; on lui prête des projets d’aventures, telles qu’un débarquement sur la côte de Vendée.

Lady Cadogan parait, mais, trouvant le salon rempli, elle ne fait qu’entrer et sortir. Lord Fitz Henry, connaissance d’Italie, prend intérêt au sort de MM. Gamba, père et frère de la marquise Guiccioli, fort compromis tous deux dans l’insurrection. Il raconte les horribles représailles ordonnées par le duc de Modène et laisse peu d’illusion sur le sort fatal auquel le pauvre Ciro Menotti est destiné. Un petit M. Tromboni, professeur de musique, ami d’enfance du prince Napoléon, vient exprès pour parler de lui. Enfin, M. Fox, dont l’obligeance est extrême, reparait une fois de plus, nous amenant son médecin dans sa voiture. La Reine, inquiète de la mauvaise mine de son fils, avait désiré un homme de l’art. Celui-ci reconnaît que le prince a la jaunisse, mais rassure quant aux suites que cette maladie pourra avoir. Les causes, selon le malade lui-même, en sont le chagrin qu’il éprouve aux nouvelles d’Italie et le dépit qu’il a de voir les journaux critiquer sa conduite et celle de son frère s’il veut « épancher sa bile » et « dégonfler son foie, » en adressant à la Tribune de Paris une lettre de justification.

La Reine, satisfaite de causer seule à seul avec M. Fox, le retient jusqu’à minuit et demi. Elle croit politique de lui confier le secret de son séjour en France et de redresser là-dessus mes mensonges de tantôt à lady Holland. Il conseille le silence, le promet pour sa part et confie qu’on soupçonne la Reine, dans les chancelleries, d’être venue intriguer à Londres au sujet des affaires de Belgique. Ce bruit est sans aucun fondement, mais n’en peut pas moins trouver créance, après la candidature du duc de Leuchtenberg, le refus de la couronne belge fait par Louis-Philippe pour son fils, le Duc de Nemours, et la longue incertitude qui n’a pas cessé de planer sur les décisions du Congrès de Bruxelles. L’Angleterre veut en finir et placer sur le trône le prince Léopold de Saxe-Cobourg.

D’après cela, la Reine regrette à présent d’avoir dit à M. de Montrond qu’elle projetait de rentrer à Arenenborg par la Belgique et par le Rhin. Son vrai désir est toujours de traverser la France : elle le dira à qui voudra l’entendre et me recommande d’en faire part à tous venans.