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à l’attention de ses compatriotes, comme un champ d’activité à ne pas perdre de vue.

Il est bon de se rappeler à ce propos que, pendant bien longtemps, l’Allemagne est demeurée réfractaire aux tendances et aux manifestations colonisatrices qui se manifestaient dans toute l’Europe. Depuis, elle en a rappelé, puisque, en une trentaine d’années, elle s’est arrondie d’un empire colonial de quelque deux millions et demi de kilomètres carrés ! Au surplus, toutes ces acquisitions n’ont pas été fructueuses, tant s’en faut ; et c’est une raison de plus pour que l’attention s’attache davantage au territoire de Kiaou-Tchéou. Durant des années, Bismarck s’était refusé à s’engager dans ce qu’il appelait les « aventures coloniales. » Le mouvement colonial allemand avait pourtant déjà débuté en 1871, puisqu’on avait songé alors à nous prendre l’Indo-Chine et même Pondichéry ; mais Bismarck s’était moqué de ceux qu’il considérait comme des songe-creux : jusqu’en 1882 même, il se refusa à soutenir les ambitions coloniales et n’y consentit que sur des instances réitérées, en prenant la précaution de demander pour ainsi dire l’assentiment de la Grande-Bretagne, à propos de ce qui devait devenir le Sud-Ouest allemand. C’est l’enthousiasme du public, en même temps que les réclamations du grand commerce, de la haute banque, Qui lui forcèrent la main. Le mouvement ne devait pas tarder à s’accentuer bien vite sous l’influence de quelques-unes de ces puissantes associations qui sont nombreuses en Allemagne, comme la Deutsche Kolonialverein et la Gesellschaft fur Deutsche Kolonisation. D’ailleurs, Bismarck en arriva pour ainsi dire à être plus royaliste que le roi, en préparant la prise du Togo et du Kameroun et en intervenant à propos du Congo. Peut-être a-t-il voulu prendre la direction du mouvement pour le canaliser, comme il avait espéré le faire, en matière de socialisme, par le socialisme d’Etat. C’est ce que laisse assez vraisemblablement supposer son discours de juin 1884 au Reichstag, où il manifestait son intention de n’agir officiellement que s’il existait des intérêts particuliers économiques déjà créés dans les parages où on lui réclamerait cette intervention. Sa conception devint irréalisable, comme sa lutte contre le socialisme.

Quand Guillaume II arriva au pouvoir, il ne pouvait manquer, à ce point de vue comme aux autres, d’agir personnellement ; et cela lui paraissait d’autant moins difficile, qu’il devait