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Lois de prévoyance, spécialement les lois sur les caisses des ouvriers mineurs, les pensions des employés de chemins de fer et la grande loi du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières.

L’intervention de l’État s’est affirmée dans toutes ces lois d’une façon très nette et parfois imprudente : plusieurs d’entre elles ont donné lieu à des abus qui ont été justement signalés et à des difficultés d’application qui sont loin d’être résolues ; il semble donc qu’avant d’élaborer des lois nouvelles dans le même sens, il serait sage de se préoccuper d’abord d’améliorer et d’appliquer les lois déjà votées, en tenant compte des leçons de l’expérience.

Nous apercevons néanmoins trois ordres de mesures législatives urgentes, et qui seraient vraiment des lois de salut social :

La première consisterait à maintenir purement et simplement et à rendre définitives les prohibitions par lesquelles le gouvernement a cherché à enrayer les progrès de l’alcoolisme. Une telle loi équivaudrait au gain d’une bataille, car ce fléau prive annuellement la France d’un contingent d’hommes valides supérieur à un corps d’armée. Nous espérons que les représentai du pays, qui n’avaient pas eu le courage nécessaire pour voter cette loi, n’auront pas la faiblesse de revenir sur des décisions inspirées par le souci des intérêts vitaux de la nation. Ce ne serait pas la peine d’arracher celle-ci aux ennemis du dehors, si on la laissait procéder elle-même à son suicide physique, intellectuel et moral.

La deuxième réforme, dont M. Millerand a pris l’initiative et dont il reste l’apôtre convaincu, donnerait aux syndicats ouvriers la plénitude de la capacité civile. Non seulement cette mesure augmenterait la force et les moyens d’action des syndicats, mais elle pourrait avoir une influence des plus heureuses sur leur orientation et contribuerait à les soustraire aux suggestions révolutionnaires. Si les syndicats devenaient des capitalistes, ils sentiraient probablement fléchir leur prévention contre la richesse acquise : ce capital serait pour eux le commencement non seulement de la fortune, mais aussi de la sagesse, et les patrons avisés ne devraient pas hésiter, dans leur propre intérêt, à se faire les premiers bailleurs de fonds des caisses syndicales.

Une troisième loi non moins importante, préparée depuis