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augmenté assez sensiblement leurs émolumens en même temps qu’on leur donnait des garanties contre les abus de pouvoir dont ils seraient victimes. Les fonctionnaires ont d’ailleurs usé énergiquement des armes qu’on leur mettait entre les mains, et de nombreux recours au Conseil d’État ont, souvent, abouti à la réformation des actes qui avaient lésé leurs droits. Dans cette campagne ardemment menée, ils ne se sont pas toujours montrés eux-mêmes très scrupuleux sur la légalité des moyens qu’ils employaient ; c’est ainsi qu’ils se sont irrégulièrement servis des dispositions de la loi du 21 mars 1884 qui n’avait certes pas été faite pour présider aux rapports entre l’Etat et ses agens : allant jusqu’au bout de leur soi-disant droit syndical, quelques-uns n’ont pas hésité à s’affilier à la Confédération générale du travail. Cette alliance entre l’administration et l’anarchie prêtait à rire au public, mais elle ne pouvait être du goût du Gouvernement, qui voyait ainsi violer la loi par ceux-là mêmes qui ont pour mission de la faire respecter. Il fallait donc sévir, et on a sévi… de temps à autre ; mais, en réprimant les abus, on s’est préoccupé de donner satisfaction à ce qu’il pouvait y avoir de juste dans ces aspirations vers le syndicalisme. Un projet de loi sur le statut des fonctionnaires élaboré avec soin va prochainement régler la situation en définissant exactement leurs droits et leurs devoirs : on ne peut regretter qu’une chose, c’est que l’on n’ait pas adopté plus tôt le projet préparé en 1907 par le ministère Clemenceau, qui aurait coupé court aux désordres dont l’Administration n’a eu que trop à souffrir pendant ces dernières années.

Quoi qu’il en soit, le statut va donner satisfaction aux fonctionnaires. Il y a, en face, le point de vue des contribuables, qui n’est évidemment pas le même, mais qui n’est pas inconciliable avec lui. Ce qui frappe les contribuables consciens,… et il y en a, c’est que notre immense et lourde machine administrative, plus que centenaire, est à la fois trop compliquée et trop coûteuse et qu’à un pays transformé par tous les progrès modernes, il est temps d’adapter un organisme administratif plus neuf, plus simple, et moins dispendieux. La division de la France en départemens, en arrondissemens et en communes remonte, on le sait, à 1789 : toute l’administration française a été organisée en l’an VIII sur cette base territoriale, et, depuis, on n’y a guère touché que pour créer des emplois nouveaux. Jamais on ne