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Malheureusement on risque de se heurter à l’obstacle signalé plus haut, à cet esprit de clocher qui est bien, lui, la forteresse de toutes les routines et de tous les abus. Mais il ne faut pas désespérer d’en venir à bout.

Veut-on ici nous permettre une brève et discrète incursion sur le terrain politique ? Tout le monde aujourd’hui, sous la pression des événemens, reconnaît qu’il y a des momens où le salut du pays exige la prédominance de l’intérêt général sur toutes les coteries locales. Avec un léger effort de bon sens et de désintéressement, on arrivera à admettre que ce point de vue, qu’on accepte comme exceptionnel et temporaire, doit survivre à la crise qui en a démontré l’existence.

Il y a des vérités qu’on aperçoit plus nettement en temps de guerre, mais qui sont des vérités de tous les temps. Voilà ce qu’on se dira demain. De là à rechercher un mode de scrutin qui ne permette plus aux intérêts locaux de se liguer contre l’intérêt général, il n’y a qu’un pas, et on le franchira. Peut-être même, une fois aiguillé dans cette voie, reconnaîtra-t-on que, dans un régime démocratique, autant et plus que dans tout autre, il faut maintenir le principe de la séparation des pouvoirs. Or ce principe suppose que le pouvoir exécutif doit être, sinon indépendant, au moins distinct du pouvoir parlementaire. Dans une machine bien réglée, il faut un moteur et un frein : le frein, c’est le pouvoir parlementaire ; le moteur, c’est le Gouvernement. Personne n’oserait affirmer que cette règle de bon sens ait toujours été observée avant la guerre, et l’immixtion du Parlement dans les attributions essentielles du Gouvernement a souvent été une cause d’erreurs, de désordres, de fautes dont nous portons encore aujourd’hui le poids. Depuis la guerre, on ne s’est pas trop mal trouvé d’avoir laissé une grande liberté d’allure et d’action à ceux qui ont la responsabilité du pouvoir et qui, exercent, grâce à l’état de siège, une sorte de dictature. Après la paix, chacun reprendra sa place : on restituera aux citoyens leurs libertés et au parlement son autorité légitime. Souhaitons qu’on réserve aussi la part légitime du Gouvernement, pour qu’il puisse prendre la direction des affaires du pays et réaliser les réformes nécessaires. Ainsi la République sortirait grandie et fortifiée d’une crise qui aurait été pour la nation et pour elle-même une crise de croissance.

Nous voudrions maintenant dire un mot d’une question qui