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Michel, se rendit sans peine à ces raisons, et l’opération fut décidée pour le lendemain. « Les Boches étaient là vingt-quatre heures après nous, dit une lettre de marin. Nous les espérions à huit kilomètres de la ville. Tout le monde était éreinté, mais solide au poste. » L’évacuation de ces avancées dangereuses, sur un terrain plat, découvert, où quelques fermes, des mulons de paille et des peupliers en bordure de route ne nous offraient que des abris intermittens, s’exécuta malgré tout sans pertes sensibles et, tout de suite, la résistance s’organisa autour de Dixmude.

« L’amiral a mouillé ici, écrit le 18 octobre un marin de Servel. M’est avis que nous ne démarrerons pas de sitôt. »

Rien de plus exact. Dixmude, jusqu’à un certain point et surtout quand les eaux noieront sa banlieue orientale, est un peu comme un navire embossé à l’entrée d’une mer intérieure. Mais ce navire n’avait ni cuirasse, ni bastingages, ni sabords. Les tranchées creusées à la hâte autour de la ville n’auraient pu résister à une solide attaque d’infanterie : la première lame de fond les eût emportées. Tout était à faire pour l’organisation de la défense et tout devait être fait en quelques jours, presque en quelques heures, sous le feu même de l’ennemi. C’est l’honneur de l’amiral de l’avoir tenté et de s’être cramponné à Dixmude comme il se fût cramponné à son bord. Dès l’instant qu’il a reconnu l’importance de la position, il met tout en œuvre pour accroître sa valeur défensive : il ne se laisse pas égarer par les feintes de l’adversaire et les tentations de déploiement qu’il lui offre ; ramassé sur l’Yser, la tête vers l’ennemi, il ne sortira de ses lignes que trois fois, pour soutenir une attaque de la cavalerie française sur Thourout, pour ramener l’ennemi qui porte ailleurs son effort et qu’on inquiétera sur Woumen, et enfin pour coopérer à la reprise de Pervyse et de Ramscappelle. Mais toujours, même quand il détache ainsi des unités assez loin de sa base, il maintient tout ou partie de ses réserves à Dixmude, il s’accroche à son rentrant, il monte le quart sur l’Yser.


V. — DIXMUDE


À la date du 16 octobre 1914, Dixmude (en flamand Diksmuiden) comptait quelque 4 000 âmes. Les guides l’appellent une « jolie petite ville : » ce n’était qu’un gros bourg. «