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l’attaque ; mais, comme un chien qui s’éloigne en grondant, il n’arrêta de nous canonner qu’à onze heures du matin. « Après, note le fusilier R…, tout bruit cesse. Dixmude a peu souffert ; les dégâts causés par les obus sont insignifians. » Mais il est vrai que l’ennemi n’avait pas reçu encore son artillerie lourde.

On profita du répit qu’il nous accordait pour refaire les tranchées des lisières extérieures, quelque peu endommagées, et commencer l’organisation des autres ; le travail, d’ailleurs, était repris à chaque accalmie, mais il s’exécutait surtout la nuit et le matin, de cinq à neuf heures, jusqu’au lever de la brume. À cette heure-là, généralement, avec la clarté, la canonnade reprenait : nos pièces étaient trop faibles et en trop petit nombre pour répliquer efficacement à l’ennemi. Aussi la brigade accueillit-elle avec un vrai soulagement le renfort qui lui arriva dans la journée du 17 : cinq batteries du 3e régiment d’artillerie belge (colonel Wleschoumes) qui, ajoutées au groupe Ponthus, allaient donner à la défense de Dixmude un total respectable de soixante-douze bouches à feu, sans grande portée malheureusement et d’un métal trop peu résistant pour nos obus de 75. Telles quelles, réparties de Caeskerke à Saint-Jacques-Cappelle, notre front s’en trouva singulièrement amélioré. L’amiral, qui voulait s’en réserver l’emploi, fit relier téléphoniquement cette artillerie à son poste de commandement : une bataille se dirige aujourd’hui du fond d’un cabinet. Néanmoins il autorisa d’une façon permanente les batteries à « ouvrir instantanément le feu de jour comme de nuit sur les abords de Dixmude, toutes les fois que la fusillade et particulièrement le bruit des mitrailleuses indiquerait qu’une attaque d’infanterie était dirigée contre nos tranchées. »

Son échec du 16 octobre avait-il induit notre adversaire à plus de circonspection ? Comme il nous avait laissé respirer dans l’après-midi du 17, il nous donna campos toute la journée du dimanche 18. On ne signala que deux ou trois patrouilles de cavalerie vers Dixmude et qui furent rapidement dissipées par quelques volées d’artillerie. Ce jour-là encore, nos fusiliers eurent une heureuse surprise : un officier de haute taille, silencieux, aux yeux graves, sanglé dans son dolman noir, vint visiter avec l’amiral les tranchées de l’Yser. Son inspection