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Saint-Pétersbourg pendant les événemens de 1912, avait resserré de plus belle le nœud de l’alliance. Depuis lors, il est vrai, l’attention de l’Empereur s’est concentrée sur l’activité militaire déployée de l’autre côté de la frontière russe ; mais il a dû lui en coûter de renoncer à sa chimère de la neutralité ou de l’inaction de la Russie en cas de guerre sur les Vosges. Un avertissement suprême a été donné au gouvernement du Tsar le 2 mars 1914 par l’officieuse Gazette de Cologne, sous la rubrique d’une correspondance de Saint-Pétersbourg ! L’accélération des armemens y était dénoncée en même temps que l’ingratitude dont la Russie payait les services que l’Allemagne lui avait rendus à l’époque de la guerre de Mandchourie. Les journaux russes répliquèrent sur un ton acerbe, laissant entrevoir que le traité de commerce avec l’Allemagne ne serait pas renouvelé. M. de Jagow, dans un exposé sur la situation extérieure lu au Reichstag quelques semaines plus tard, se borna à regretter et à blâmer d’une manière générale ces polémiques de presse dont il rejetait, d’ailleurs, la responsabilité sur les feuilles panslavistes.


IV

La France a toujours été aux yeux de Guillaume II l’adversaire principal. La pensée de se réconcilier avec elle a hanté cependant, à diverses occasions, son cerveau romanesque, mais sans qu’il songeât un seul instant à lui restituer ou à neutraliser l’Alsace-Lorraine, questions résolues définitivement par les victoires de 1870 et le traité de Francfort, sans qu’il admît même de lui complaire en accordant une constitution plus libérale aux provinces conquises. Le vœu de quelques Français, partisans d’un rapprochement franco-allemand, de voir l’Alsace-Lorraine jouir d’une autonomie complète à l’instar d’un État confédéré, de la Bavière ou de la Saxe, était qualifié à Berlin d’ingérence insupportable dans les affaires intérieures de l’Empire.

Mais l’Empereur a cru de bonne foi, à plusieurs reprises, qu’il pourrait améliorer les relations entre les deux pays, diminuer la tension entre Paris et Berlin, frayer même la voie à de bons rapports à venir, en traitant avec une distinction flatteuse des Français et des Françaises, célébrités parlementaires,